"On se connaît depuis 59 ans et je ne peux le voir qu'une heure par semaine…" Des trémolos dans la voix, Giselle raconte son histoire samedi au micro d'Europe 1. Son mari, Vincent, est résident d'un Ehpad en Bretagne et atteint de la maladie d'Alzeihmer. Depuis le début de la crise sanitaire, elle peine à lui rendre visite. "Je suis triste d'avoir une fin de vie comme ça, avec mon mari", poursuit-elle. Giselle n'est pas seule dans cette situation. Malgré la vaccination contre le Covid-19 accélérée dans les Ehpad, les établissements restent prudents.
"Des tas de protocoles absolument pas en adéquation avec ce que l'on nous dit"
Face à la détresse de leurs proches, de nombreuses familles réclament un assouplissement plus large et effectif des mesures sanitaires. Privé de toute intimité avec son époux, Giselle raconte le voir dépérir semaine après semaine. "Le fait qu'il soit complètement coupé de tout le monde, ça n'a pu faire qu'accélérer le processus." Des témoignages désemparés comme celui-ci, Katell, cofondatrice du collectif Ehpad Famille Bretagne, en reçoit presque tous les jours. "On a lancé le collectif après la mi-mars et j'ai plus de 150 familles qui ont pris contact avec nous", souligne-t-elle.
Leur incompréhension est d'autant plus vive que la majorité des résidents ont donc déjà reçu les deux injections anti-Covid, conformément à la politique vaccinale en faveur des personnes âgées vulnérables. Pour Katell, l'objectif de permettre aux établissements d'alléger les contraintes n'est donc pas réalisé et la promesse non tenue. "J'ai reçu des tas de protocoles qui ne sont absolument pas en adéquation avec ce que l'on nous dit", indique-t-elle. "Le 'ça y est, ils sont libérés, les familles peuvent venir les voir dans leur chambre', c'est loin d'être la réalité partout."
La crainte des procédures en justice du côté des Ehpad
Les craintes de connaître de nouveau des situations telles que lors de la première vague du Covid et les attaques en justice des familles de défunts expliqueraient la prudence de certains établissements. "Certains sont dans des zones qui sont aujourd'hui encore difficiles après avoir contracté le Covid, d'autres ont vécu un tel traumatisme qu'ils sont un peu arc-boutés sur l'hyper-protection. Souvent, d'ailleurs, à la demande de certaines familles", estime de son côté Pascal Champvert, le président de l'association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), samedi sur Europe 1. Celle-ci regroupe environ 2.000 Ehpad et maisons de retraite.
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Pour lui, il faudrait revoir le fonctionnement des établissements en question pour éviter que l'instauration d'autorisations ou d'interdictions aux résidents ne génère des poursuites pénales "s'il y a eu des décès ou des malades". "Beaucoup de directeurs sont effectivement refroidis par le fait d'avoir été poursuivis en justice pour n'avoir pas fait assez. "C'est ce système qui est fou", regrette Pascal Champvert. "Nous, nous pensons qu'il faut aller vers le maximum d'assouplissement possible."