Quelque 500 chercheurs venus de 130 pays vont présenter à partir de lundi à Paris la première évaluation mondiale des écosystèmes depuis près de 15 ans fondée sur 15.000 articles scientifiques, et proposer aux gouvernements des pistes d'actions pour tenter de sauver la biodiversité.
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Un rapport qui fera date
Et si le mot "biodiversité" semble parfois bien abstrait, il concerne toutes les espèces animales ou végétales vivant sur la planète, y compris celle qui se met elle-même en danger en détruisant la nature : l'Homme. Insectes pollinisateurs, forêts et océans absorbant le CO2, bois pour se chauffer... La nature rend en effet des services inestimables. Mais "le patrimoine environnemental mondial (...) est en train d'être altéré à un niveau sans précédent", met en garde le projet de synthèse du rapport de 1.800 pages sur lequel 150 scientifiques de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) ont travaillé pendant trois ans.
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Une biodiversité largement menacée
Un quart des 100.000 espèces aujourd'hui évaluées - une portion minime des huit millions estimées sur Terre - sont déjà menacées d'extinction, sous pression de l'agriculture, de la pêche, de la chasse, ou encore du changement climatique. Mais "une accélération rapide imminente du taux d'extinction des espèces" est attendue par les scientifiques, selon le projet de rapport. Et entre 500.000 et un million devraient devenir à leur tour menacées, dont "beaucoup dans les prochaines décennies".
"On s'en doute, parce que les rapports se suivent et se ressemblent. On sait que la biodiversité ne va pas bien", observe Christophe Aubel, directeur général de l'Agence française pour la biodiversité au micro d'Europe 1. "On parle de sixième extinction des espèces. Ce que je retiens d'un chiffre comme ça, c'est que ce n'est pas seulement une histoire d'espèces rares qui pourraient disparaître, mais bien une baisse massive de la biodiversité. Ce sont aussi des espèces communes qui vont moins bien qu'avant." Par exemple, près de 60% des populations de vertébrés ont disparu depuis 1970, un quart des terres agricoles ont été touchées par l'érosion et des espèces d'oiseaux, d'insectes et de mammifères disparaissent de plus en plus vite.
Des mesures qui ont déjà porté leurs fruits
Et pour pallier cette dégradation, il est urgent que des mesures soient prises. "Autant on a pris conscience du danger des gaz à effet de serre, autant on n'a pas mesuré la gravité du déclin du vivant qui nous entoure", estime Allain Bougrain-Dubourg, de la Ligue pour la protection des oiseaux, au micro d'Europe 1. "Et ce qu'il y a d'étonnant, c'est qu'on ne connaît que deux millions d'espèces sur la planète alors que l'on sait déjà que dans les océans, il y en a probablement deux autres millions."
Pourtant, quand des mesures ciblées sont prises, les espèces peuvent reprendre vie. C'est le cas du lynx ou du bison en Europe. "La biodiversité va mal et on a aussi des exemples qui montrent qu'on peut agir", rappelle Christophe Aube. "Dans la Seine, par exemple, il y avait 14 espèces de poissons dans les années 1990. On est à 35 actuellement, on a progressé. On pourrait citer le vautour qui avait quasiment disparu de la métropole et qui est de retour maintenant. En termes de pollution, dans un pays comme la France, on a quand même progressé quant aux pollutions industrielles par rapport à une époque."
Les États parviendront-ils à un accord ?
Avant une réunion en 2020 en Chine des États membres de la Convention de l'ONU sur la diversité biologique (COP15), de nombreux experts espèrent que ce rapport de l'IPBES sera le prélude à un accord aussi marquant que celui de Paris sur le climat. Ce projet sera d'ailleurs discuté, amendé et adopté ligne par ligne par les délégués avant sa publication le 6 mai.
Le texte fait le lien entre ces deux menaces majeures, identifiant certaines causes similaires, en particulier les pratiques agricoles et la déforestation, responsables d'environ un quart des émissions de CO2 mais aussi de graves dommages directs aux écosystèmes. Mais vu l'ampleur des réformes à mettre en place, qui impliquent une véritable transformation de nos modes de vie sur une planète de plus en plus peuplée, les résistances risquent d'être encore plus fortes que pour la lutte contre le changement climatique.