"Une révolution de la cartographie" : comment l'IGN scanne la France au centimètre près
L'IGN, l’Institut national de l’information géographique et forestière, a lancé un projet de cinq ans visant à cartographier entièrement la France avec une précision inédite. Grâce au Lidar, il va pouvoir atteindre un degré de précision à dix centimètres près. Une révolution qui aboutira à de nombreuses applications concrètes, notamment en matière d'environnement.
C'est un chantier titanesque que vient de débuter l’Institut national de l’information géographique et forestière. Depuis début juillet, l'IGN s'est lancé dans un vaste projet de couverture 3D de la France au moyen d’une technologie de pointe : le Lidar. Une révolution technologique qui va permettre d'affiner les cartes du territoire. Les applications sont très concrètes, de la prévention des inondations aux installations de panneaux photovoltaïques en passant par la distribution des aides aux agriculteurs. Ce programme va durer cinq ans pour un coût total de 60 millions d'euros, en partie financé par le plan de relance post-Covid .
Une modélisation cinq fois plus précise qu'aujourd'hui
Pour cartographier le sol, il faut passer… par les airs. Le programme Lidar HD (pour haute densité) va nécessiter 7.000 heures de vol au total. Pendant cinq ans, un petit avion va survoler la France avec à son bord un capteur Lidar, sorte de radar extrêmement précis. "Il envoie des ondes lumineuses proches de l'infrarouge vers le sol. Dès qu'elles rencontrent un obstacle, elles sont réfléchies et renvoyées vers le capteur. Et on en déduit le positionnement des points grâce à la distance parcourue et la vitesse des ondes", explique Loïc Gondol, chef du projet à l'IGN.
Les points ? C'est ainsi que l'on mesure la densité de la couverture. Actuellement, l'IGN couvrait le territoire avec deux points par mètre carré en moyenne. Le programme Lidar HD va permettre de réaliser une couverture à dix points par mètre carré, soit une précision cinq fois supérieure. "Ce qui est intéressant avec le Lidar, c'est que l'onde ne s'arrête pas au sommet d'un arbre par exemple, elle continue jusqu'au sol, ce qui nous permet d'établir un profil du terrain très précis", détaille Loïc Gondol. Les points établis par le Lidar sont ensuite traités et reliés pour obtenir une cartographie 3D des sols mais aussi des bâtiments, comme la Basilique du Sacré-Cœur (image ci-dessous).
"Une révolution pour la cartographie française"
En plus de cet affinage, la couverture va être considérablement étendue. "Jusqu'ici, le Lidar était utilisé uniquement dans des zones ciblées, essentiellement des zones à risque d'inondation, le long des cours d'eau et des rivières. Là, on passe à la métropole entière", s'enthousiasme Loïc Gondol. "C'est une révolution pour la cartographie française. On passe d'une couverture en Lidar de 20.000 km2 par an, à deux points. Là, on va faire 550.000 km2 en cinq ans, soit 110.000 par an, à dix points", appuie Nicolas Lambert, chef du service des partenariats et des relations institutionnelles de l'IGN. La France rattrape ainsi les Pays-Bas, le Royaume-Uni et le Bénélux, en avance sur cette technologie.
Une prouesse technologique donc, mais quel intérêt ? "On est dans un monde qui se transforme très vite. Pour faire face aux nouveaux enjeux, on a besoin d'appréhender notre territoire et pour ça, il faut bien le connaître. Le Lidar va nous permettre de prévenir et suivre les risques d'inondation, d'avalanche, d'éboulement", répond Loïc Gondol. Et les exemples ne manquent pas dans l'actualité. "Les zones à risque d'aujourd'hui ne sont plus celles d'hier. On l'a vu récemment avec les inondations en Allemagne mais aussi en France, l'an dernier avec la tempête Alex, dans les Alpes-Maritimes . Certaines zones sinistrées n'étaient pas couvertes par les plans de prévention des risques."
Des applications multiples pour l'État et les particuliers
Les données recueillies serviront donc à mieux anticiper les potentielles catastrophes naturelles liées au terrain mais également à guider les politiques publiques en matière d’aménagement du territoire, de transition écologique, de gestion des forêts ou encore de suivi de la Politique agricole commune. Les données de l'IGN seront utilisées par les ministères, les administrations publiques et les collectivités locales. "La plupart des usages ne sont pas encore inventés. Ils le seront par les utilisateurs, qu'ils soient publics ou privés", souligne Nicolas Lambert.
Les particuliers aussi bénéficieront du programme Lidar HD. "Cela va permettre d'affiner encore plus les cartes ou les applications GPS. Par exemple, si vous aimez la randonnée, il faut savoir qu'aujourd'hui, en montagne, les relevés sont encore souvent faits au radar avec plusieurs mètres d'imprécision, jusqu'à 10 mètres. Avec du Lidar à 10 points, on arrivera à 40-50 centimètres de précision, sur les dénivelés", précise Nicolas Lambert. Les premières mesures ont commencé dans le sud-est. L'IGN poursuivra petit à petit vers l'ouest puis le nord, jusqu'en 2026.