A l'occasion de la Journée mondiale de lutte contre l'homophobie et la transphobie, Saverio Tomasella, psychanalyste et docteur en sciences humaines, était l'invité de Sans Rendez-Vous sur Europe 1. Selon lui, il n'y a pas de bonne méthode pour faire son coming-out et il peut être encore difficile d'en parler, notamment dans certaines familles ou l'homosexualité est un tabou.
Qu'est-ce qu'un coming-out ?
Un coming-out est une révélation. On annonce à quelqu'un, à un groupe de personnes ou en public quelque chose d'intime qui nous concerne. "Cela peut concerner une maladie grave, ça peut être se lancer dans une nouvelle activité ou annoncer son homosexualité ou sa transsexualité", rappelle Saverio Tomasella.
Pourquoi est-ce encore si difficile en 2021 ?
Selon Saverio Tomasella, il peut encore être difficile de révéler son homosexualité ou son orientation sexuelle à son entourage car "cela concerne une minorité de personnes. Et même si la culture a beaucoup évolué, ce n'est pas encore complètement bien vu et accepté par tout le monde. Et il y a cette question de la honte : 'si je l'annonce, qu'est ce qu'on va penser de moi ? Est ce que je vais être rejeté(e)? Est ce qu'on va se moquer de moi ? (...) Chez beaucoup de personnes, il y a la peur de décevoir", note-t-il.
De plus, pour le psychanalyste, "on est encore dans une culture machiste" qui rend compliquée la libération de la parole, notamment pour un garçon auprès de son père. "En règle générale, c'est plus 'facile' pour une femme pour plusieurs raisons. D'abord parce que dans une culture viriliste, on a l'impression que les homosexuels hommes sont des sous-hommes. Et puis, il y a la question de l'enfantement."
Y a-t-il un "bon" coming-out ?
Il n'y a pas de meilleure façon de faire qu'une autre, rappelle le docteur en psychologie. "On n'est pas du tout obligé de faire un coming-out quand on est homosexuel. Ça peut aussi se deviner, on peut le laisser entrevoir. C'est chacun qui choisit s'il ou elle a envie d'en parler publiquement." Il souligne en effet que "les hétérosexuels ne vont pas voir leurs parents ou leurs amis en disant 'apparemment, je suis hétérosexuel', donc c'est pareil pour les homosexuels", ajoutant qu'il est possible de "parler de sa copine ou de son copain, l'amener en soirée avec soi, montrer sa vie sentimentale sans la cacher."
Dans tous les cas, que le coming-out soit verbal ou non, selon Saverio Tomasella, "toutes les façons de mettre les parents au courant progressivement sont bonnes".
En tant que parent, doit-on attendre que son enfant vienne nous en parler ?
En règle générale, d'après le psychanalyste, "il vaut mieux attendre qu'un enfant vienne vers nous pour parler de quelque chose, surtout pendant l'adolescence." Si l'on a des questionnements ou des intuitions, on peut aussi lancer le sujet, "mais pas forcément en posant la question directement", martèle Saverio Tomasella : "Ça peut être à la suite d'un film, d'un livre, d'un débat de société...On voit comment en parler librement avec son enfant qui peut, à ce moment-là, se sentir plus détendu en se disant 'tiens, maman, papa parle de ça facilement."
Selon lui, il peut être utile d'avoir cette ouverture dès l'enfance, "en leur disant que ce qui compte, c'est l'amour et que ça peut être un garçon ou une fille, et puis les laisser tranquilles à l'adolescence." Si ce message est "bien passé clairement pendant l'enfance, ils auront cette mémoire : avec papa et maman, c'est tranquille pour aimer un garçon, une fille, en fonction de leur cœur, de ce qui vient de leur cœur et de leurs sentiments."
Que faire si sa famille est très fermée sur le sujet ?
Saverio Tomasella rappelle qu'il est normal que certains parents aient une réaction qui n'est pas toujours celle attendue lors d'un coming-out. "C'est une annonce qui oriente toute une vie, la suite des relations familiales, et notamment aussi, peut-être, le deuil de petits-enfants. Les parents vont passer par toutes sortes d'émotions : la surprise, parfois, le refus, le déni. Quand ils acceptent la réalité, il peut y avoir un moment de révolte ou de colère en disant 'Mais pourquoi mon enfant n'est pas comme les autres?'" ou la crainte infondée de "la réputation par rapport aux amis des parents ou à la famille". Ce "moment d'acceptation", explique le psychanalste, "peut durer quelques mois" et il ne faut pas s'inquiéter.
En revanche, certains parents sont totalement fermés et pourront même avoir des propos très durs. "S'il n'y a pas d'excuses après, les enfants peuvent se sentir vraiment blessés. Pendant des années, ça peut leur faire perdre confiance en elles ou en eux", et conduire à la déprime, l'anxiété ou à des "tendance suicidaires", note Saverio Tomasella. "Il y a des familles qui sont homophobes. Il y a des familles où un des parents ou certains oncles, tantes ou grands-parents expriment de façon claire un rejet de l'homosexualité. Et dans ces familles-là, il vaut mieux être précautionneux et par exemple ne l'annoncer qu'à un des deux parents ou attendre quelques années", afin dit-il de ne pas "se jeter dans la gueule du loup".
Cette façon progressive de présenter les choses peut se faire par exemple en "leur faire écouter une émission de radio ou un podcast, offrir un livre ou un film qui parle de la question avec tact...". Concernant le moment, il sera plus facile de faire cette révélation "au moment de son premier travail ou de ses études. On change de ville et à ce moment là, on pourra revenir avec un copain ou une copine, quand on sera dans une relation stabilisée".
Retrouvez l'entretien complet dans l'émission Sans-Rendez-Vous du 17 mai ci-dessous :