La saison prochaine, le maillot du PSG va changer de visage. On ne parle pas d'un nouveau design, ce qui arrive tous les ans, mais d'un nouveau sponsor principal. On le savait depuis l'été dernier : la compagnie aérienne de Dubaï, Fly Emirates, qui s'affichait sur le plastron des joueurs depuis 2005, n'a pas donné suite aux négociations exclusives entamées avec le club. On a appris jeudi matin via un communiqué d'Accor que c'est la notion ALL, du nom du nouveau programme de fidélité du groupe hôtelier français (Accor Live Limitless), qui s'inscrira désormais sur les maillots rouge et bleu des joueurs de la capitale.
Des twittos se sont amusés à imaginer à quoi pourrait ressembler le nouveau maillot :
Concept Kit | @PSG_inside x @Accor#PSG#PSGMHSC#All#Hechterpic.twitter.com/j357IK2SdB
— Galactic (@R_Galactic) February 21, 2019
Un géant français en avant. Après quatorze années passées sous pavillon Fly Emirates, le PSG va donc évoluer à nouveau la saison prochaine avec une marque française sur son maillot (Thomson avait été sponsor maillot entre 2002 et 2005). "Il y a quelque chose d'assez nouveau dans ce contrat, c'est qu'on a une entreprise du CAC40 (les 40 plus grosses entreprises cotées en bourse, ndlr) qui sponsorise un club de Ligue 1 et ça, ça n'arrive quasiment jamais", souligne Bastien Drut, docteur en économie et auteur de Mercato, l'économie du football au 21ème siècle. "Jusqu'à maintenant, les grosses entreprises françaises étaient plutôt réticentes à sponsoriser des clubs de foot, comme c'est le cas dans d'autres sports, comme le rugby, avec la Société générale." Trop clivant, mauvaise image, rentabilité aléatoire : le football a longtemps fait fuir les géants de l'économie française. L'engagement d'Accor va donc à contre-courant, à moins qu'il n'annonce une nouvelle vague…
Pour le PSG, ça ne peut pas être un mauvais point, non plus, d'avoir un géant français sur son maillot. "Je ne crois pas néanmoins que c'était quelque chose de nécessaire, on aurait pu imaginer un contrat avec une multinationale qui ne soit pas française, car le PSG monnaye sa notoriété au niveau global", estime Bastien Drut. "Le fait que le PSG ait des followers sur les réseaux sociaux partout dans le monde, c'est ce qui attirent les sponsors."
Un ancien président du PSG aux commandes. Cet argument des réseaux sociaux et de la visibilité du club dans le monde, c'est ce qu'a repris à son compte le PDG d'Accor (qui a par ailleurs abandonné jeudi le terme Hotels accolé à son nom depuis 2015), Sébastien Bazin. "Le Paris Saint-Germain, en tant que club, et ses joueurs, cela représente aujourd'hui 395 millions de followers sur les réseaux sociaux, et nous, nous avons 265 millions de clients", a-t-il expliqué jeudi matin sur BFM Business. "Quand on va additionner les 265 millions de clients et les quelque 400 millions de followers du PSG, on crée quelque chose d'extrêmement puissant. Et ces followers sur les réseaux sociaux sont très également répartis : 30% en Europe, 20% en Amérique latine, 25% au Moyen-Orient et une vingtaine de % en Asie-Pacifique."
Ça prend tout son sens aujourd'hui. #Accor@Europe1@Europe1Sport#Europe1https://t.co/mG4sX7OT5r
— Julien Froment (@JulienFroment) February 21, 2019
Sébastien Bazin, ce nom vous dit peut-être quelque chose. Et pour cause, il a été pendant sept mois, entre février et septembre 2009, le président du… PSG. Il était alors le représentant en Europe de Colony Capital, un fonds d'investissement devenu propriétaire du club en 2006 après sa cession par Canal+. Il y aura donc quelque chose d'assez cocasse de voir assis côte à côte Nasser Al-Khelaïfi, président du PSG, et l'un de ses prédécesseurs, vendredi, lors de la conférence de presse de présentation de ce partenariat… "La présidence de Sébastien Bazin a facilité les choses", pense Bastien Drut. "Mais, plus généralement, toutes les relations qui ont pu exister ou qui existent encore entre les parties prenantes font que ce contrat a été facilité."
Le Qatar, un actionnaire particulier. Car Sébastien Bazin n'est pas le seul acteur de ce dossier qui a un rapport très étroit avec le PSG. Au conseil d'administration d'Accor, figurent Sheikh Nawaf Bin Jassim Bin Jabor Al-Thani (Al-Thani, comme le nom de la famille princière du Qatar), président du conseil d'administration de Katara Hospitality, et Aziz Aluthman Fakhroo, Franco-Qatarien qui occupe le poste de sous-secrétaire d'État aux affaires financières du ministère des Finances du Qatar.
Pourquoi retrouve-t-on ces deux personnalités dans le conseil d'administration d'Accor, sixième opérateur hôtelier mondial et n°1 en Europe ? Tout simplement parce que Qatar Investment Authority est le deuxième actionnaire d'Accor, à hauteur de 10,66% derrière le Chinois Jion Jiang, détenteur principal à 12%. Oui, Qatar Investment Authority, cette même entité devenue propriétaire du PSG en 2011… De loin, cela ressemble à un joli subterfuge, alors que le club de la capitale a été épinglé par le fair-play financier mis en place par l'UEFA pour avoir surrévalué un contrat de sponsoring avec Qatar Tourism Authority, l'entité chargée de promouvoir le tourisme dans le petit Émirat du Golfe persique.
Pour Bastien Drut, ce n'est cependant "pas le Qatar qui décide". "Accor reste une entreprise qui a d'autres actionnaires, le Qatar n'a pas décidé tout seul, mais cela a dû faciliter les choses." Pour le moment, ni la durée ni le montant du contrat signé par Accor n'ont été divulgés. Jusqu'à présent, Fly Emirates donnait 20 à 25 millions d'euros par an pour apparaître sur le maillot du club. "C'est difficile de juger car on ne connaît pas pour le moment les montants que donnera Accor", estime Bastien Drut. "Si on parle d'un montant à 200 millions par an, par exemple, alors là, oui, on pourra parler d'un contrat qui est complètement surcoté… Mais il faut attendre demain (vendredi) quand on aura les chiffres pour comparer avec ce qui se fait dans les autres clubs et pour dire s'il y a eu une éventuelle favorisation du PSG. Ce qui permettra de juger, c'est le montant, et s'il est comparable à ce qu'on peut voir avec Manchester United, Manchester City, le Barça, le Real, etc." D'après RMC Sport, le contrat serait d'une cinquantaine de millions annuels, ce qui placerait le PSG dans le top 4 européen. Un très beau contrat, mais qui n'aurait rien de surprenant, compte tenu de la force désormais de la marque PSG dans le monde.
Nicolas Sarkozy, un supporter influent ? Un autre nom, évidemment, sort du lot dans l'organigramme d'Accor. Celui de Nicolas Sarkozy. L'ancien président de la République, de 2002 à 2007, figure au conseil d'administration du groupe hôtelier depuis février 2017. Le candidat malheureux à la primaire de la droite, fin 2016, que l'on voit très souvent au Parc des Princes auprès de Nasser Al-Khelaïfi, est un ardent supporter du PSG. A-t-il pu jouer un rôle dans ce partenariat très important que vient de signer le club ? Joint par Europe 1, l'entourage de Nicolas Sarkozy ne souhaite pas faire de commentaires sur l'implication de l'ancien chef d'État dans la conclusion du contrat.
Un influent supporter membre du conseil d'administration, un propriétaire deuxième actionnaire, un ancien président du club aux manettes : difficile de ne pas voir dans cet accord annoncé jeudi une belle affaire de famille.