Alors qu'il commente Paris-Nice au côté de Thierry Adam sur France Télévisions, Laurent Jalabert a accepté de revenir pour nous sur le bon début de saison des Français. Le sélectionneur de l'équipe de France a aussi évoqué l'affaire Contador et la polémique autour des oreillettes tout en gardant dans un coin de sa tête les prochains Jeux Olympiques de Londres de 2012. Laurent, comment voyez-vous cette nouvelle saison ? Chaque saison qui démarre, c'est toujours de grands espoirs qui se nourrissent et le cyclisme français a déjà montré de belles choses depuis le début de l'année, avec de nombreuses victoires. Mais j'attends de voir ce que cela va donner sur Paris-Nice avec beaucoup plus de concurrence pour jauger le niveau du cyclisme français. Il y a de belles raisons d'y croire puisque l'on progresse régulièrement. Après le bon début de saison des Français, vous garderez sans doute un oeil sur leur niveau tout au long de l'année ? Oui, j'ai un oeil sur les Français depuis le début de la saison. Gagner, c'est bien, mais ce qui m'intéresse, c'est devant qui tu l'emportes. Quand je regarde le classement, je m'attarde sur ceux qui font deux, trois, quatre ou cinq. Cela me permet d'avoir une vue d'ensemble. Quand tu t'imposes devant des coureurs en forme, cela me donne des indications sur l'évolution mentale du coureur. Car un Championnat du monde, c'est une épreuve sur laquelle on sait que l'on peut peser sur le résultat de cette course. Cela veut-il dire qu'un cycliste tricolore peut s'imposer sur les classiques printanières ? Oui, un coureur français peut remporter une classique. Ce n'est jamais écrit à l'avance. C'est un feuilleton mais il faut avoir de l'ambition et être prêt physiquement. En prenant la quatrième place du petit Tour des Flandres, Yoann Offredo a ouvert la voie pour les autres coureurs tricolores. C'est de bon augure. Ce sont des victoires accessibles car on n'est pas obligé de courir cette course d'un jour comme un Boonen ou un Cancellara qui se neutralisent. Anticiper, cela peut-être une bonne chose. "Les tricheurs, on les attrape" Présent sur l'Amstel Gold Race et la Flèche Wallonne, Cadel Evans aura-t-il les armes pour remporter son premier Tour de France ? C'est un coureur qui a pris une autre dimension après son titre de champion du monde. Cadel Evans est un bon coureur mais il était toujours sur la réserve. L'Australien regardait les autres et ne prenait pas assez d'initiatives. Avec le retrait des oreillettes et le fait qu'il acquiert de l'expérience, il se rend compte que les années passent. S'il veut avoir une chance de remporter le Tour, il devrait s'en occuper sérieusement. C'est peut-être son année. On a tendance à oublier Cadel Evans et il surgit pour remporter les Championnats du monde ou la Flèche Wallonne l'an passé. Cela ne sert à rien d'en gagner cinquante mais il suffit de gagner la bonne. Selon vous, Alberto Contador sera-t-il présent sur la prochaine Grande Boucle ? Selon moi, je n'en sais rien du tout (rires). Quand j'ai appris l'an passé sur les Championnats du monde la suspicion de dopage d'Alberto Contador, je me suis dit qu'il ne disputerait pas le Tour de France 2011. Pour le vainqueur de la Grande Boucle, ce type d'information prend tout de suite des proportions démesurées. C'est à lui de prouver son innocence alors qu'il y a des sanctions qui ont été prononcées et qu'il y a encore des recours possibles. Aujourd'hui, je suis surpris qu'il puisse déjà recourir. Ce qui m'épate chez ce coureur, c'est son mental. Il a eu un hiver pourri, il en a pris plein la figure. Il revient pour le Tour d'Algarve et prend la troisième place. Ce garçon-là, il a une classe au-dessus de la moyenne. Est-ce qu'il a triché lors du Tour de France 2010 ? Ce n'est pas à moi de le dire. Sera-t-il au départ cette année ? Cela dépendra du bon vouloir de l'Union cycliste internationale (UCI) de mettre ou non en place une longue procédure pour aboutir à une sanction. Mais qu'il soit ou non sur le Tour, cela nous importe peu. Comme on dit, les absents ont toujours tort. Cela veut-il dire que l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) et l'Union cycliste internationale (UCI) vont enfin collaborer ensemble pour bannir les tricheurs du monde du cyclisme ? Je n'ai pas d'avis là-dessus. Je ne connais pas le fond du dossier. S'ils s'entendent bien, c'est très bien. C'est dommage quand on ne parle pas d'affaire de dopage, on trouve des affaires sur les oreillettes, sur des problèmes entre l'Agence française de lutte contre le dopage et ASO. On trouve toujours moyen de baver sur le cyclisme. A la longue, c'est fatiguant. S'ils s'entendent bien, c'est super. S'il y a encore des tricheurs, c'est tant pis pour eux. J'espère que vous le savez déjà: dans le monde du cyclisme, les fraudeurs, on les attrape. Cela augmente les chances de les réprimander davantage si tant est qu'ils y en aient davantage. Mais au moins cela fera taire les polémiques. "Londres 2012, c'est encore loin mais on est déjà dedans" L'autre polémique concerne les oreillettes, doit-on totalement les retirer ? Le combat du dopage est plus important que celui des oreillettes. Il est vrai que cet outil a une incidence sur la course. Cela dérange quand on est partie prenante dans une équipe et je le suis avec l'équipe de France car j'ai peu de moyens pour communiquer avec mes coureurs durant la course, c'est frustrant. On a besoin de faire passer des informations et il n'y a aucun moyen de les faire passer. Sur les Championnats du monde, on les voit passer tour après tour mais on n'est pas au contact des coureurs comme peuvent l'être les directeurs sportifs. L'oreillette a un côté pratique dans la gestion des hommes. Mais, il y a aussi un côté pervers sur le déroulement de la course où l'on peut tout anticiper ce qui va arriver. Il n'y a donc plus besoin pour le coureur d'étudier avec minutie le parcours. Chaque cycliste se voit délivrer au départ de chaque course un livre de route complet où toutes les informations sont présentes. C'est quelque chose qu'il faut apprendre à travailler, à étudier. Un bon professionnel maîtrise tout cela. On ne sait plus à qui on a affaire dans ce domaine. Il y a de brillants coureurs mais on ne sait pas s'ils ont le sens de la course ou s'ils sont bien managés. C'est pour cette raison qu'il y a un gros débat dans l'utilisation de cet outil de communication. Moi, j'ai connu l'avant oreillette, j'ai vu son arrivée et je l'ai utilisée. Quelques fois, elle m'a rendu service, souvent je l'ai prise pour ne pas être en conflit avec mes dirigeants mais je préférais me débrouiller sans. Pensez-vous déjà aux Jeux Olympiques de Londres en 2012 ? Oui, j'y pense. On va repérer les parcours fin mai. Il y aura une épreuve pré-olympique en août mais je ne sais pas si les coureurs professionnels seront autorisés à y participer. C'est encore loin mais on est déjà dedans. Avez-vous déjà le nom des coureurs en tête ? Oui et puis, il suffit qu'un coureur sorte du lot un mois avant en écrasant tout sur son passage, ce sera le bon. Je n'y pense pas forcément, c'est à lui de se révéler.