-26 face au pays de Galles, -53 contre l'Irlande. On ne peut pas dire que l'Italie, qui recevait pourtant lors de ces deux rencontres, ait débuté son Tournoi des six nations 2017 de la meilleure des façons. Et la question de sa présence dans le Tournoi de se poser à nouveau face à de tels écarts, mais aussi devant la gentille pression d'autres pays qui aimeraient eux aussi y goûter, au premier rang desquels la Géorgie.
Le pays du Caucase a remporté les cinq dernières éditions du Championnat européen des nations, antichambre du Tournoi, mais une antichambre sans porte ouverte… "Il n'y a pas de place libre. Nous sommes heureux d'avoir les six équipes les plus fortes d'Europe dans notre compétition", a insisté cette semaine le directeur général du Comité des six nations, John Feehan, qui semble tenir à un format adopté en 2000. Mais parle-t-on vraiment des six équipes les plus fortes ? Ce n'est pas ce que dit le classement IRB, calculé sur les performances des équipes, où la Géorgie pointe au 12ème rang, soit devant l'Italie, 14ème. La question de savoir si la Géorgie, reine du "Tournoi B" ces dernières années, a aujourd'hui sa place dans le vrai Tournoi est donc légitime. Mais clivante.
OUI : "Il faut savoir partager"
Par Éric BLANC, consultant d'Europe 1
"Les Italiens ont attendu sur le pas de la porte pour être invités au buffet. Ils avaient une grande génération de joueurs mais là, depuis quelques années, elle s'éteint. Aujourd'hui, ils ne prennent que des corrections, changent d'entraîneur tous les quatre ans, c'est très compliqué. Les joueurs italiens ne sont plus titulaires dans les grands clubs d'Europe. Et comme on est en pleine refonte du Tournoi des six nations avec l'introduction depuis cette année des points de bonus, l'idée de faire venir du Tournoi B la Géorgie, la Roumanie ou le vainqueur du Championnat européen des nations, pour un match de barrage, est excitante.
Bien sûr, il y a des enjeux économiques pour l'Italie. Sortir du Tournoi, c'est perdre des sponsors, des droits télé… Mais comment refuser dans ce rugby qui se modernise l'arrivée d'une équipe comme la Géorgie, qui fait une bonne Coupe du monde (troisième de sa poule et qualifiée ainsi directement pour l'édition 2019), avec des joueurs têtes de liste dans les clubs français, comme Mamuka Gorgodze à Toulon ? Le monde du rugby évolue, il faut prendre en compte les nations qui se structurent, qui ont fait d'énormes progrès, dont la Géorgie, la Roumanie et bientôt peut-être la Russie. Alors pourquoi ne pas ouvrir la porte à un Rmiste du jeu ?
Après, si c'est pour prendre 50 à 60 points à chaque match et décrédibiliser la compétition, là, ça devient gênant. Faire le Tournoi avec en tour de rôle, l'Italie, la Géorgie ou d'autres, via un match de barrage, me paraît pertinent. Aujourd'hui, on parle de cette possibilité parce que l'Italie est derrière, mais il y a deux ans, quand les Écossais étaient à la dérive, on n'a pas vraiment évoqué cette éventualité d'un changement parmi les six équipes du Tournoi…"
NON : "Aucune assurance sur le niveau de la Géorgie"
Par Simon RUBEN, journaliste à Europe 1
"Exclure l’Italie du Tournoi des six nations, ou la remplacer, relève sans doute davantage du mépris que de la logique sportive. Certes, on pointera du doigt les mauvais résultats de l’Italie, régulièrement dernière du Tournoi. Ce fut le cas en 2016. Cela pourrait être encore le cas cette année. Mais souvenons-nous que l’an passé, l’Italie était passée tout près de l’exploit en France (défaite 23-21 au Stade de France). Qu’aurions-nous dit, alors, à l’époque, si les Bleus avaient perdu ? Que dirions-nous aujourd’hui si la France venait à terminer en dernière position ? Lui ferions-nous disputer un match de barrage ?
Laisser tomber une nation au prétexte qu’elle n’a pas le niveau, c’est une sorte de mépris de classe : "Une nation est mauvaise ? Alors on la met au ban." Solution facile. Solution cruelle. D'ailleurs, rien ne dit que la Géorgie, la Roumanie ou la Russie, offriraient une meilleure opposition si elles venaient un jour à participer au Tournoi. Et si le problème du rugby italien se pose effectivement, il doit plutôt inviter les instances du rugby mondial à s’organiser pour épauler la formation ou relancer la culture vacillante de l’ovalie en Italie. On ne peut pas penser le cas italien comme un simple problème de performance. Le rugby a une notoriété mondiale trop fragile pour se permettre d’exclure d'un coup les mauvais élèves. Il faut, au contraire, tout faire pour les rendre meilleurs. Un travail certainement plus fastidieux mais assurément salutaire. Préférons la politique du coup de main à celle du coup de poing."