Le Français Kevin Mayer s'est emparé du record du monde du décathlon avec 9.126 points, détrônant ainsi l'Américain Ashton Eaton (9.045 points), dimanche à l'issue du Décastar de Talence en Gironde. "Je crois que maintenant je peux le dire assurément : faire le record du monde à Talence, c'est le plus beau des rêves que je viens d'accomplir", a réagi Kevin Mayer après son exploit.
Premier Français détenteur du record.Frustré après avoir abandonné les championnats d'Europe de Berlin en août, dont il était le grand favori, après trois échecs à la longueur, Mayer, champion du monde en titre, devient le premier Français à détenir le record du monde du décathlon.Très régulier tout au long des dix épreuves disputées en deux jours, il rejoint Renaud Lavillenie (6,16 m à la perche) et Yohann Diniz (3h32'33'') dans le club très "select" des Français au sommet de leur discipline en athlétisme (si l'on excepte le record du monde en salle de Teddy Tamgho au triple saut).
3ème athlète à franchir la barre des 9.000 points. Mayer, 26 ans, est devenu, sous le soleil de Talence, le 3ème athlète seulement à franchir la barre mythique des 9.000 points en décathlon, après Eaton, qui l'avait devancé aux Jeux olympiques 2016, et le pionnier tchèque Roman Sebrle. Avec les performances réalisées ce week-end sous le soleil de Talence, Mayer aurait par exemple été finaliste des derniers championnats de France dans six disciplines sur dix...
Le record d'Ashton Eaton (9.045 points) semblait promis à Mayer. Bon esprit, l'Américain l'a félicité sur Twitter : "Je suis super content pour Kevin Mayer et encore plus pour l'avenir du décathlon." "J'attendais ça depuis un moment", a assuré Mayer au micro du stade après le 1.500 m.
That was an incredible display of ability! I’m super happy for @mayer_decathlon & even more for the future of the decathlon. Important thing to me has always been to keep pushing the limit and inspiring others to do the same. The more 9k can become commonplace the better. Alle!
— Ashton Eaton (@AshtonJEaton) 16 septembre 2018
Surdoué de l'athlé. Kevin Mayer a pris pour habitude de banaliser l'exceptionnel. Surdoué de l'"athlé", Mayer a connu une trajectoire linéaire : champion du monde junior en 2010, 2ème des Championnats d'Europe en 2014, vice-champion olympique à Rio en 2016 et enfin champion du monde en 2017. Son échec à Berlin ? Un simple bémol par rapport au "récital", formule du champion d'Europe 2014 Romain Barras, offert par Mayer aux 12.000 bruyants supporters qui se sont librement déplacés dans le stade champêtre de Talence pour encourager leur chouchou à grand renfort de "allez Kéké !"
Un 1.500 m au son de "Smoke on the water". "Kéké la braise", son surnom, a chauffé le public de la première épreuve du Décastar, un 100 m record en 10 sec 55, à la dernière, un 1.500 m rock'n roll couru au son de "Smoke on the water" (Deep Purple) sous les vivats de la foule. "Il est dans 'la zone'", s'était émerveillé Barras après sept épreuves, cet état quasi transcendantal d'un sportif qui réussit tout, comme un basketteur qui alignerait les paniers à trois points. De quoi faire plaisir à Mayer, grand amateur de NBA aux goûts éclectiques, du piano à l'astrologie en passant par la plongée sous-marine.
Jamais aussi fort que quand il est dos au mur. Cet ancien étudiant en DUT génie bio puis mesures physiques est aussi doté d'un mental d'acier. Jamais aussi fort que dos au mur, il avait sauvé ses championnats du monde 2017 du zéro en passant 5 m 10 au dernier essai à la perche. Ce week-end sous le soleil de Talence, tout le stade a tremblé après ses deux échecs à 1 m 99 à la hauteur. Probablement pas lui. Il a franchi l'obstacle au dernier essai, comme ensuite à 2 m 02 et 2 m 05.
Un peu irrité lorsqu'il a manqué un appel des juges à la hauteur, et après avoir rembarré une équipe de télévision qui le collait un peu trop à son goût, Mayer a su rester concentré et résister à la pression inhérente à son statut. "La gestion de sa deuxième journée avec des pièges partout est vraiment très forte", a réagi pour l'AFP, conquis, le champion d'Europe 1994 du décathlon Alain Blondel.
"Si je ne bats pas le record du monde, je veux bien que tout le monde me mette une fessée." Ce garçon sûr de lui, plus que jamais ambassadeur des épreuves combinées, peu mises en lumière habituellement, s'est même permis une touche d'humour avant le 1.500 m : "Si je ne bats pas le record du monde, je veux bien me mettre à genou et que tout le monde dans le stade me mette une fessée", déclenchant l'hilarité générale.