L'ex-patron de l'UEFA Michel Platini et l'ancien bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, ont été interrogés longuement mardi par des enquêteurs sur des soupçons de corruption sur les conditions d'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar et sur l'organisation de l'Euro 2016 en France. L'ancienne star de l'équipe de France (64 ans vendredi), qui fut aussi vice-président de la Fifa jusqu'en 2015, est ressorti libre sans qu'aucune charge n'ait été retenue à son encontre. L'ancienne conseillère sport de Nicolas Sarkozy, Sophie Dion, a été aussi placée en garde à vue, tandis que l'ex-secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, a pour sa part été interrogé comme suspect libre. Tous trois sont ressortis tard dans la nuit.
"J'ai toujours été serein"
"La garde à vue est levée", a annoncé William Bourdon, l'avocat de l'ex-star de l'équipe de France de football peu avant 1h du matin, dénonçant "beaucoup, beaucoup de bruit pour rien". "Cette garde à vue a été perçue par Michel comme injuste et hors de proportion", a-t-il ajouté.
A sa sortie des locaux de l'office anticorruption de la police judiciaire (OCLCIFF), à Nanterre, près de Paris, Michel Platini, les traits tirés, a en effet expliqué : "Alors que je devais arriver comme auditeur libre, on me met tout de suite en garde à vue, ça fait mal". "Ça a été long", a-t-il ajouté, précisant que des questions lui avaient été posées "sur l'Euro 2016, la Coupe du monde en Russie, la Coupe du monde au Qatar, le PSG, la Fifa". "J'ai toujours été serein car je me sens complètement étranger à n'importe quelle affaire", a-t-il encore affirmé.
"C'est pour nous une affaire terminée"
"Nous ne considérons en aucune façon que Michel Platini puisse être considéré comme suspect de quoi que ce soit, pas plus hier, aujourd'hui, que demain. C'est donc pour nous une affaire terminée", a renchéri son avocat. "Les enquêteurs ont voulu pour des raisons techniques, exclusivement techniques, que les personnes puissent être entendues pour qu'elles ne se concertent pas entre elles", a-t-il affirmé, rappelant que son client avait déjà été entendu en audition libre comme témoin "il y a 18 mois". "Nous sommes tous les deux sereins et confiants dans l'avenir", a-t-il conclu.
L'avocat de Claude Guéant a lui aussi indiqué que les enquêteurs avaient posé un certain nombre de questions à son client "pour savoir ce qu'il avait vu, ce qu'il avait su de l'organisation, non seulement de l'attribution de la Coupe du monde à la Russie en 2018 et au Qatar en 2022 mais aussi de l'organisation de l'Euro 2016 en France". Selon Me Philippe Bouchez el Ghozi, Claude Guéant a répondu qu'il n'y avait pas "à sa connaissance des éléments qu'on puisse qualifier susceptibles de corruption".
Des soupçons de corruption
Le parquet national financier (PNF) avait ouvert une enquête préliminaire en 2016 pour "corruption privée", "association de malfaiteurs", "trafic d'influence et recel de trafic d'influence" pour examiner les conditions d'attribution des Coupes du monde de football 2018 et 2022. Le même jour, le 2 décembre 2010, la Coupe du monde 2018 avait été attribué à la Russie (face notamment à l'Angleterre éliminée dès le 1er tour) et, à la surprise générale, la Coupe du monde 2022 au Qatar, vainqueur au dernier tour face aux Etats-Unis.
La désignation de ce richissime émirat gazier, où les températures brûlantes en été rendent la pratique du football difficile voire impossible, avait immédiatement déclenché des soupçons de corruption, et été l'un des déclencheurs de la grave crise qui a secoué la Fifa à partir de 2015. En octobre 2015, l'ancien président de la Fifa, Sepp Blatter, avait ajouté à la polémique en mettant en cause la France. Selon sa version, "un arrangement diplomatique" existait pour que les Coupes du monde 2018 et 2022 aient lieu en Russie puis aux Etats-Unis. Le plan aurait échoué à cause de "l'interférence gouvernementale de Nicolas Sarkozy" qui aurait entraîné, toujours selon le Suisse, une volte-face de Michel Platini, président de l'UEFA.
Une "réunion secrète" en 2010
La justice française s'intéresse en particulier à "une réunion secrète" au Palais de l'Elysée le 23 novembre 2010, à laquelle participaient le président Nicolas Sarkozy, Tamim ben Hamad al-Thani (alors prince héritier du Qatar devenu Emir en 2013), et Michel Platini, révélée par France Football. Son but supposé : s'assurer que Platini voterait pour l'émirat. Un "tissu de mensonges", s'était indigné l'ancien numéro 10 des Bleus.
Mardi, Sepp Blatter s'est dit "totalement surpris" du placement en garde à vue de Michel Platini, estimant que cela n'allait "pas l'aider" à quelques mois de la fin de sa suspension. En 2010, Platini "a changé d'avis" et décidé de soutenir le Qatar pour la Coupe du monde 2022 "parce que le président français Sarkozy le lui a demandé, c'est toujours ce que Michel (Platini) m'a dit, et quand un président vous demande quelque chose, vous le faites", a encore déclaré à Sepp Blatter. Ce dernier a pour sa part été suspendu six ans par la Fifa "de toute activité liée au football" pour un paiement controversé de 2 millions de francs suisses (1,8 million d'euros) à Michel Platini. En mai 2018, le Français a été mis "en l'état" hors de cause par la justice suisse qui enquêtait sur ce versement.