Dans les coulisses d’un rugby français à la dérive

Bernard Laporte
© GIUSEPPE CACACE / AFP
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Simon Ruben, édité par R.D. , modifié à
Entre les affaires Laporte, des salariés à bout et un bilan sportif catastrophique, le petit monde du ballon ovale s’est rarement aussi mal porté en France. Et le Tournoi des Six Nations débute samedi.
L'ENQUÊTE DU 8H

Le XV de France n’a plus remporté le tournoi des Six Nations depuis 2010, et l’actuelle ambiance du rugby français n’incite pas à l’optimisme, à la veille de la première rencontre des Bleus dans l’édition 2018, face à l’Irlande au Stade de France. Il y a le bilan sportif, calamiteux, mais aussi les affres de la fédération, dirigée par Bernard Laporte, soupçonné de conflit d’intérêt et de trafic d’influence. Sans parler des salariés, à bout, et qui quittent le navire. Il y a incontestablement quelque chose de pourri au royaume du rugby français.

"On a parfois l'impression d'être dans Le Parrain". Voilà qui tranche avec le décor de Marcoussis, le paisible et bucolique QG du rugby français, à l'écart de Paris, avec ses terrains bordés d'arbres. Mais derrière les grilles, c’est la tempête. Ces derniers mois, au moins une douzaine de personnes ont quitté la fédération, écoeurées par les méthodes du nouveau patron, Bernard Laporte. "On a parfois l'impression d'être dans Le Parrain", confient certains. Des ex-membres de la FFR décrivent Laporte comme un président omnipotent qui surveille tout, se mêle de tout, à la limite de la légalité comme de l'éthique.

A tel point que les salariés n'ont plus qu'une peur : être épinglés comme étant des taupes au sein de l'institution. Mais les langues se délient. Récemment, une salariée a déposé une main courante pour harcèlement sexuel par un élu de la "fédé". La situation est telle que la FFR aurait mis en place un numéro vert pour gérer un personnel à bout et endiguer la recrudescence d'arrêts-maladie.

Les relations troubles Laporte-Altrad. A l’origine d'un tel marasme : l'affaire Bernard Laporte-Mohed Altrad ; deux poids lourds du rugby français un peu trop proches. Tout remonte à juin dernier : Montpellier, l'équipe d'Altrad, doit être sanctionné par  la fédération. Mais pour alléger la sanction, Laporte aurait fait pression sur la commission chargée du dossier. Pas question de froisser Altrad, qui deviendra d'ailleurs quelques mois plus tard sponsor maillot du XV de France. En jeu : 35 millions d'euros sur 5 ans...

Laporte nie toute pression mais l'enquête du parquet national financier pour trafic d'influence et favoritisme a secoué l'institution. Les membres de la FFR sont inquiets. Certains ont donc choisi de partir. Dans la tempête, la FFR a décidé de renforcer hier son comité d'éthique.

Un climat peu propice à la reconstruction. Et les joueurs dans tout ça ? Les Bleus n'ont pas assisté aux perquisitions menées fin janvier à Marcoussis, mais ce climat n'est pas propice à la reconstruction amorcée depuis deux semaines. Et puis autour du XV, de plus en plus d'anciens joueurs sont sceptiques sur la présidence Laporte : de bonnes idées mais une méthode inquiétante voire dictatoriale...

Quant à l'enquête préliminaire, la plupart des acteurs du dossier s'apprêtent à être entendus. L'un d'eux confiait à Europe 1 : "le spectacle ne fait que commencer".