À chaque Jeux olympiques, c’est un pas de plus vers l’égalité femmes-hommes entres les athlètes. Enfin, sur le papier. Cette année, à Tokyo, six épreuves mixtes ont été créées et cinq compétitions masculines sont devenues soit mixtes soit accompagnées par une nouvelle section féminine. Au total, il y a eu deux fois plus d’épreuves mixtes qu’au Jeux olympiques de Rio, en 2016. Et cela va encore se renforcer à Paris en 2024, avec la promesse de voir autant de femmes que d'hommes. Néanmoins, selon la sociologue Béatrice Barbusse, cette égalité numérique n’est pas suffisante. La vice-présidente déléguée à la fédération française de handball était invitée sur Europe 1, lundi midi, pour faire le bilan de ces Jeux olympiques de Tokyo en la matière.
"Ce n'est pas parce qu'on a un nombre quantitativement égalitaire d'hommes et de femmes que, pour autant, l'égalité est atteinte", assure Béatrice Barbusse au micro d’Europe 1. La parité numérique ne ferait donc pas tout. Et pour cause, les femmes dans le sport sont constamment obligées de se battre. Maternité, règles ou encore justaucorps pailleté plus joli que confortable… ces réalités quotidiennes ne sont, bien souvent, pas ou mal prises en compte. "Sans compter, bien évidemment l'égalité salariale et la médiatisation", déplore la vice-présidente déléguée à la fédération française de handball.
"Ce sont des hommes qui ont créé les règles séparant les hommes et les femmes"
Peu à peu, les habitudes changent. Lors des épreuves de qualification aux Jeux olympiques de Tokyo, les gymnastes allemandes ont décidé de laisser leur justaucorps au vestiaire. Elles sont sorties avec une combinaison couvrant leurs jambes, plus confortable. Exactement comme les tenues de leurs homologues masculins. "Nous voulions montrer que chaque femme, chaque personne, devrait pouvoir décider ce qu’elle veut porter", assurait l’une d’entre-elles, Elisabeth Seitz à Reuters. Mais le changement n’est pas facile dans tous les sports. Les beach-handballeuses norvégiennes en ont fait les frais lors du dernier Euro en juillet dernier : elles se sont vu infliger une amender de 1.500 euros par la Fédération européenne de handball pour avoir revêtu un short à la place d’un bikini.
Sur la distinction des genres dans les épreuves aussi, les Jeux olympiques sont à l'épreuve du changement. Doucement, les frontières entre femmes et hommes commencent à s’abattre. Grâce, bien sûr, à l’augmentation des épreuves mixtes. Les compétitions pourraient, par exemple, être basées sur le poids plutôt que sur le genre d’un athlète. "J’espère que ça viendra le plus tôt possible. Ça nécessite de la part de ceux qui ont fait les règlements et qui les font encore aujourd'hui un changement total de perspective, de posture, de mentalité", détaille Béatrice Barbusse. Avant d’ajouter : "Et souvent, ce sont des hommes qui ont créé les règles séparant les hommes et les femmes." Les codes de ces épreuves classiques sont pourtant déjà, en partie, bousculée avec la participation de sportifs transgenres ou intersexués aux derniers Jeux.
"Il faut plusieurs décennies" pour changer les mentalités
"Il faudra encore beaucoup de temps pour que la mixité soit considérée comme normal", regrette Béatrice Barbusse. Historiquement, la place des femmes aux Jeux olympiques a été très difficile à asseoir. Lors de la première édition des Jeux olympiques de lère moderne, en 1896, aucune femme n’était présente, rappelle la sociologue. Quatre années plus tard, la capitale française accueillait les jeux. Parmi les 997 sportifs à Paris se trouvaient 22 femmes dans cinq disciplines (tennis, voile, croquet, équitation et golf). Pierre de Coubertin se disait lui-même "hostile" à la présence d’athlète féminine. "Impratique, inintéressante, inesthétique, et nous ne craignons pas d’ajouter : incorrecte, telle serait à notre avis cette demi-Olympiade féminine", écrivait le père des Jeux olympiques dans un texte datant de 1912.
"Lors de la naissance du sport moderne, au 19e siècle, en Grande-Bretagne, les femmes n'avaient pas le droit d’en faire. Elles n'avaient pas droit de se mettre en spectacle", explique Béatrice Barbuse. Bien souvent, la femme jouait le rôle de l’infirmière, suivant le sportif, mais ne pouvait pas se retrouver au premier plan. Aujourd’hui, les mentalités changent pour l’égalité femmes-homme et, plus timidement, la compétition non-genrée. "Il faut plusieurs décennies pour cela et on est sur la voie. J'ai confiance dans les jeunes générations", assure la vice-présidente déléguée à la fédération française de handball, pour qui cette transmission est l’une des principales missions.