La chambre de jugement de la commission d'éthique de la Fifa a rendu son verdict lundi : elle a suspendu pour une durée de huit ans de toute activité dans le football le président démissionnaire de la Fifa, Sepp Blatter, et l'actuel président de l'UEFA, Michel Platini. La commission se prononçait sur l'affaire du paiement de 1,8 million d'euros que la Fifa avait versé à Platini en 2011, neuf ans après la fin d'un travail de conseiller.
"Le paiement en faveur de M. Platini n’avait aucune base juridique dans l’accord écrit signé par les deux officiels le 25 août 1999. La déclaration de M. Platini quant à l’existence d’un accord oral n’a pas été jugée convaincante et a été rejetée par la chambre", écrit dans un communiqué la Fifa, qui n'épargne pas Platini : "(Il) n’a pas totalement fait preuve de crédibilité et d’intégrité, témoignant d’une certaine méconnaissance de l’importance de ses fonctions et des obligations et responsabilités qui en découlent".
Découvrez la décision motivée de la commission d'éthique :
"Conflit d'intérêt" et "gestion déloyale". Si les charges de corruption n'ont pas été retenues - le versement d'1,8 million d'euros avait eu lieu quelques mois seulement avant la réélection de Blatter à la présidence de la Fifa -, la commission d'éthique a estimé que les deux hommes avaient "abusé" de leur position et les a jugés coupables de "conflit d'intérêt" et "gestion déloyale". Platini a en outre écopé d'une amende de 80.000 francs suisses (74.000 euros), plus élevée que celle de Blatter, 50.000 francs suisses (46.295 euros). La chambre d'instruction de la commission d'éthique avait requis la radiation à vie pour le dirigeant français, candidat déclaré à la présidence de la Fifa. Depuis plusieurs jours maintenant, "Platoche" ne se faisait plus aucune illusion sur le sort qui allait lui être réservé.
La candidature de Platini presque enterrée. Les deux hommes, qui avaient déjà été suspendus provisoirement le 8 octobre dernier pour une durée de 90 jours, peuvent faire appel de cette sanction devant la commission d'appel de la Fifa, puis devant le Tribunal arbitral du sport (TAS), qui a refusé le 11 décembre dernier de lever sa suspension provisoire. Platini pourrait saisir le TAS directement, mais il lui faudrait pour cela l'accord de la Fifa, ce qui paraît peu probable. Le calendrier des recours risque ainsi d'empêcher Platini de se présenter à la présidence de la Fifa, le 26 février prochain. Les candidatures doivent être déposées un mois avant, le 26 janvier. Cela risque bien court...
La fin de l'ère Blatter. Les conséquences de ce jugement de la justice interne de la Fifa sont évidemment plus lourdes pour Platini que pour Blatter. Ce dernier, 79 ans, n'aspirait qu'à présider son instance jusqu'à l'élection de son successeur, puis passer la main à cette date. Avec ce verdict, c'est néanmoins une page de 40 ans d'histoire de la Fifa qui se tourne. Blatter y était entré en 1975 avant d'en gravir les échelons pour accéder au sommet depuis 17 ans. Réélu pour un 5e mandat le 29 mai, il avait annoncé le 2 juin sa démission future avec prise d'effet le 26 février, après l'accumulation de scandales autour de son instance.
Outre la justice sportive, Blatter est mis en examen par la justice suisse en raison du versement à Platini ainsi que pour un contrat de droits TV jugé anormalement défavorable à la Fifa. La suspension prononcée à l'égard de Platini laisse pour le moment cinq candidats en lice pour succéder à Blatter : le Cheikh bahreini Salman, le Sud-Africain Tokyo Sexwale, le prince jordanien Ali, le Français Jérôme Champagne et le Suisse Gianni Infantino.