Renaud Lavillenie a perdu son titre olympique à la perche, lundi. Mais il a aussi visiblement perdu l'estime qu'il portait au public brésilien. En effet, l'athlète tricolore, qui estime n'avoir "rien à se reprocher" quant à son concours (quatre barres franchies à son premier essai jusqu'à 5,98 m avant deux échecs à 6,03 m puis un à 6,08 m) a vivement critiqué en zone mixte le comportement du public du stade olympique Joao-Havelange qui l'a sifflé quand il s'est retrouvé en duel face au Brésilien Thiago Braz, vainqueur avec un saut à 6,03 m.
"Ça prend énormément d'énergie". "Il a été très bon. J'ai juste une énorme déception et frustration de cette ambiance de merde", a insisté Lavillenie au micro d'Europe 1. "Il ne faut pas se cacher, c'est la première fois en dix ans de sport de haut niveau que je me fais siffler dans un stade olympique, là où prévalent normalement les valeurs de fair-play et de respect. Là, il n'y a eu aucun respect envers les adversaires de Thiago. C'est malheureusement une ambiance que l'on retrouve trop souvent au foot et là, on a vraiment un public de foot au Brésil. J'en ai payé les conséquences. Ce n'est pas pour cette raison que j'ai perdu mais il faut comprendre que ça prend énormément d'énergie de se concentrer quand on se fait siffler, surtout quand tu n'as rien fait de mal, si ce n'est essayer d'être le meilleur pour aller chercher un deuxième titre olympique."
Ces sifflets ont coûté de l'énergie au Français, mais aussi de la concentration. Juste avant sa tentative à 6,08 m qui lui aurait permis de reprendre la tête du concours, le Clermontois a adressé des pouces vers le bas au public brésilien, resté dans le stade pour assister à ce final à suspense…
"Le tournant décisif pour le Brésilien, c'est quand on s'est retrouvé tous les deux et qu'il y a eu 40.000 personnes pour lui et 40.000 personnes contre moi (le Français est sans doute au-dessus de la vérité au niveau des chiffres car de nombreux spectateurs, refroidis par la pluie et les retards, avaient quitté le stade, ndlr)", a expliqué Lavillenie. "Ils n'étaient pas 'pas pour moi', ils étaient 'contre moi'. C'est moche de voir ça sur l'une des plus grandes compétitions de sa carrière où tu te fais siffler parce que tu veux juste faire ton sport et juste être le meilleur. On ne peut pas dire que ça n'a pas d'influence, surtout dans un cadre où il n'y a plus que ça, où les gens n'étaient plus focalisés que sur ça (le début du concours a été retardé en raison de la pluie et s'est achevé après la fin des courses, ndlr). À la fin, j'ai commencé à manquer d'énergie. Normalement, tu vas puiser le manque d'énergie dans le public, sauf que là, je n'avais pas grand-chose à puiser. Le clan français avait beau faire ce qu'il voulait, il ne pouvait pas lutter. J'ai aussi un tout petit manque de réussite à 6,03 m. Je ne vais pas m'en vouloir parce que j'ai tout donné."
Moscou 1980 et Berlin 1936. Interrogé sur le sentiment qui domine après cette finale, Lavillenie en revient inlassablement à l'ambiance. "Je ne peux pas être déçu d'être vice-champion olympique dans un stade qui était contre moi", a-t-il encore relevé. "Je n'ai pas été à la hauteur de Kozakiewicz en 1980 à Moscou mais voilà, je n'ai pas à le plaindre de ce que j'ai fait." Lavillenie fait ici référence au perchiste polonais Wladyslaw Kozakiewicz, champion olympique de la perche qui avait adressé un bras d'honneur au public moscovite, qui l'avait sifflé.
Très porté sur l'histoire, Lavillenie a même fait référence dans ces déclarations post-concours aux Jeux de Berlin de 1936, quand le noir américain Jesse Owens avait triomphé devant Adolf Hitler. "En 1936, la foule était contre Jesse Owens. On n'avait pas vu ça depuis. On doit faire avec." Remonté, le perchiste tricolore a dit rêver d'une revanche aux Jeux de… Paris, en 2024. "J'espère surtout qu'il y aura un Paris 2024 où je lui rendrai la monnaie de sa pièce (au Brésilien), car il est plus jeune (22 ans), donc il y a de fortes chances qu'il y soit", a-t-il considéré. Le Clermontois, lui, aura 37 ans en 2024. Il lui faudra donc durer jusque-là. Mais une chose est certaine après l'épisode de lundi : Lavillenie a une énorme soif de revanche.