Sur le plan sportif, la semaine était plutôt rassurante pour Bordeaux. Après leur défaite dimanche face à Strasbourg (0-2) pour leur premier match de la saison de Ligue 1, les Girondins avaient su réagir contre le FC Mariupol (2-1) jeudi, s'assurant de disputer les barrages de la Ligue Europa. Mais moins de 24 heures plus tard, ce succès semble déjà loin. Après ses propos très durs contre la direction de son propre club, l'entraîneur Gustavo Poyet s'est vu mis à pied, vendredi matin, et devrait selon toute vraisemblance être licencié d'ici la fin du mois. L'épisode marque le point d'orgue de longues semaines de tensions et pourrait renforcer l'instabilité au sein club, qui devrait prochainement être racheté par un fond d'investissement américain.
Un été sous tension
Entre Poyet et Bordeaux, tout avait pourtant bien commencé. Recruté en janvier, l'entraîneur avait su redresser le club à la dérive, accrochant une qualification pour le tour préliminaire de la Ligue Europa et convaincant par son style déterminé. La première marque de crispation s'est faite sentir début juillet, lorsque le coach a fustigé l'immobilisme de son club en matière de recrutement. Habitué à ne pas mâcher ses mots, poyet reconnaissait n'être "pas content", sous-entendant que les longues tractations entre le groupe M6, propriétaire du club, et les actionnaires américains censés le racheter, perturbaient son mercato. "Le plus important pour un club de football, ça se passe l'été", rappelait le technicien. "Si tu fais les choses bien pendant l'été, c'est plus facile. Et nous, on n'a rien fait. (...) Tous les efforts que l'on a faits l'année dernière, il ne faut pas les tuer en deux matches."
Dans les semaines précédant la reprise, la situation n'a cessé de s'envenimer notamment par le biais de deux articles critiquant les choix sportifs et l'attitude de l'entraîneur. Dans l'Équipe, des proches de la direction bordelaise soutenaient, sous couvert d'anonymat, avoir fait des propositions de recrutement à l'entraîneur, qui les avait toutes refusées. "Je ne suis pas un gamin pour parler de rumeurs de quelqu'un du club", réagissait le principal intéressé début août. "S'il y a un problème, c'est à eux de parler avec moi, moi je n'ai de problèmes avec personne."
Le cas Laborde, facteur déclencheur
Ni l'accord se précisant pour la vente des Girondins - il devrait être finalisé d'ici la fin septembre, pour une somme comprise entre 70 et 100 millions d'euros -, ni la vente de la star Malcolm à Barcelone, ni le recrutement de Briand, Kalu et Basic n'ont su apaiser le climat à Bordeaux. Et jeudi soir, la situation a brusquement explosé en conférence de presse, après la victoire contre Mariupol. Poyet y est arrivé furieux, à nouveau à propos du mercato : il accusait cette fois ses dirigeants d'avoir laissé partir l'attaquant Gaëtan Laborde sans l'en avertir. Le joueur avait participé au dernier entraînement à huis clos, mercredi matin. Mais "quand on est arrivé à l'hôtel aujourd'hui (jeudi) à 11h45, Laborde n'était pas là. On l'a appelé, il était à Montpellier. Personne ne m'a rien dit", s'emportait l'entraîneur devant les journalistes, menaçant de démissionner. "C'est une honte. J'ai demandé au club qu'il ne parte pas jusqu'à ce qu'on prenne un joueur, ils n'ont pas recruté et ils ont fait partir Laborde."
Du côté des dirigeants, le "show" de l'Uruguayen, largement diffusé dans les médias, n'est pas passé. "Ça reste une surprise après une victoire d'avoir une sortie aussi virulente", s'est étonné le président Stéphane Martin, vendredi, tout en reconnaissant qu'il y avait "un peu plus de tensions qu'auparavant" au sein du club depuis deux mois. Convoqué au Château du Haillan par sa direction, Gustavo Poyet s'est vu mettre à pied pour une semaine. "C'était un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement", a commenté Stéphane Martin.
Et maintenant ?
Pour le président du club, "on est dans une période d'une semaine durant laquelle il peut y avoir des échanges, donc, techniquement, tout est possible". Mais dans les faits, il paraît très peu probable que Poyet, dont ses dirigeants estiment qu'il a "dépassé les bornes", reprenne les rênes du club. En attendant, l'un de ses adjoints, Eric Bedouet, assurera l'interim à l'entraînement et sur le banc, dimanche face à Toulouse, puis jeudi face à La Gantoise en Ligue Europa. Habituel pompier de service, le membre du staff reprend l'équipe en cours de saison pour la quatrième fois. Il aura pour adjoints l'Argentin Mauricio Taricco et le Portugais Paulo Grilo, venus dans les bagages de Poyet cet hiver. Quid de leur avenir en cas de départ de l'Uruguayen ? Une incertitude de plus.
Ces questions viennent enfin et surtout peser sur l'effectif bordelais, une semaine à peine après la reprise du championnat. Apprécié de ses joueurs, Poyet a été salué par le latéral Maxime Poundjé, venu vers lui sur le parking alors qu'il quittait le Haillan après son entretien, vendredi. Prévue à 9h30, la séance d'entraînement a débuté avec une heure de retard après une réunion entre les joueurs et leurs dirigeants, venus annoncer leur décision. "Les joueurs n'aiment pas changer d'entraîneur, a fortiori quand ça se passe bien", a admis Stéphane Martin, vendredi matin. "Ils sont perturbés."