Cette fois, c'est officiel : Paris tient enfin ses Jeux. Après un siècle d'attente et de cuisants échecs, la capitale française s'est vue attribuer l'organisation des JO 2024, mercredi au Pérou, au terme d'une campagne acharnée. Mais les sept années qui la séparent de son rêve olympique s'annoncent tout aussi importantes. Budget, infrastructures, "détection" : les défis à relever sont nombreux, et parfois périlleux.
1. Constituer le comité d'organisation
Dissous le 30 septembre, le comité de candidature devra avoir accouché dans cinq mois d'un comité d'organisation des Jeux (Cojo). Son architecture a déjà été annoncée en mai, au moment de la visite de la commission d’évaluation du CIO. Des changements de dernière minute ne sont cependant pas à exclure. Quelques tensions entre Étienne Thobois, ancien numéro 1 français de badminton et directeur général de Paris 2024, et la maire de Paris Anne Hidalgo, auraient récemment surgi.
"Je souhaite que l'on se projette dans la continuité", a assuré cette semaine Tony Estanguet, le vrai patron de ces Jeux. "Je continue à être impliqué en tant que président du Comité d'organisation et Étienne Thobois en sera le directeur général. On va continuer ensemble l'aventure", a promis le triple champion olympique de canoë, qui devra avoir les épaules solides dans les mois à venir pour échapper aux luttes de pouvoir entre le mouvement sportif, la Ville de Paris, la Région Île-de-France et l'État.
2. Rénover, aménager et construire
Aux infrastructures existantes (Stade de France, nouveau Roland-Garros, Bercy, Parc des Princes, Jean-Bouin, Arena-92) s'ajouteront des constructions temporaires.
Le Champ de Mars (12.000 places pour le beach-volley), le Trocadéro (3.000 places + 10.000 places debout pour le départ du triathlon et de la natation en eau libre, ainsi que pour le marathon), les Invalides (8.000 places pour le tir à l'arc), le Grand Palais (8.000 places pour le taekwondo et l'escrime) et le château de Versailles (20.000 places + 45.000 places debout pour l'équitation), qui deviendront sites olympiques le temps d'une quinzaine, seront aménagés dans les mois précédant août 2024.
"On ne va pas s'amuser à construire un an avant des installations et les laisser en plan", prévient Étienne Thobois. "On n'a pas forcément besoin de refaire à l'identique une compétition", poursuit-il, évoquant les traditionnels "tests-events", imposés par le CIO un an avant les Jeux et destinés à tester les équipements.
Si le centre de water-polo, prévu au stade Marville, est lui à rénover en profondeur, les deux plus grands chantiers sont bien sûr la construction du Village olympique – qui devrait coûter 1,3 milliard d'euros - sur le site de la Cité du cinéma et du Centre aquatique de la Plaine Saulnier, à Saint-Denis.
Concrètement, les premiers tractopelles devraient commencer à travailler en 2019, pour livraison prévue à partir de 2023. "Pour le Village, les délais ne sont pas tendus mais il ne faut pas perdre trop de temps", a précisé Étienne Thobois, le directeur général du futur Cojo.
Le Village des médias, 5.000 chambres à proximité du centre des médias au Bourget, et la Bercy Arena II, 8.000 places censées accueillir les matches de basket et les combats de lutte, doivent également surgir du sol d'ici là.
3. Tenir le budget
C'est là l'un des principaux défis des sept prochaines années : éviter le dérapage budgétaire. D’abord fixé à 6,2 milliards d’euros, le budget de ces JO a grimpé à 6,6 milliards en cours de candidature, et pourrait bien encore gonfler d'ici la cérémonie d'ouverture, le 2 août 2024. Lors des précédentes éditions, tous les budgets des villes candidates ont en effet grimpé en flèche - pour en moyenne doubler - entre les prévisions et la facture finale. Des dépassements qui ont atteint leur apogée avec Pékin 2008, dont le budget a culminé à 32 milliards d'euros.
"Les coûts liés à la sécurité, à l'aménagement (des sites) et à l'infrastructure temporaire sont peut-être sous-évalués", a d'ailleurs prévenu début juillet la commission d'évaluation du CIO, à propos du projet parisien. "Mais ils pourraient être compensés par une éventuelle réduction des dépenses dans d'autres domaines".
Au total, le coût des infrastructures sportives pérennes, auxquelles s'ajoute les aménagements d'accessibilité pour les personnes handicapées dans les transports, est évalué à quelque 3 milliards. Reste que certains facteurs, comme l'inflation, sont encore difficilement prévisibles. Il n’y a qu’à voir le cas du Brésil, en plein boom en 2009, lors de l'attribution des Jeux à Rio, et en grave récession sept ans plus tard.
4. Attirer les sponsors… et les spectateurs
Pour alimenter ce budget, les chasseurs de sponsors devront avoir séduit une trentaine de partenaires - le nombre habituel pour les dernières éditions - pour un montant espéré d'un milliard d'euros. Un autre milliard est attendu des ventes de billets qui commenceront dès 2022.
Pour vendre facilement les places, la moitié des 13 millions de billets sera ainsi proposée à moins de 50 euros, pour des tarifs débutant à 15 euros. En espérant que des impondérables, comme la sécurité, ne viennent pas perturber les festivités. Difficile cependant d'évaluer la menace terroriste en France dans sept ans.
5. Apaiser les colères et les doutes
En plus de bien "vendre" les Jeux aux sponsors, le comité d'organisation devra s'attacher à bien les "vendre" aux Français. Si, le 10 septembre dernier, 83% des Français se disaient favorables à la désignation de Paris, selon un sondage Ifop-MKTG paru dans Le Journal du dimanche, "la prise de conscience par les gens de (leur) aspect néfaste va aller croissante à mesure que l'on approchera de la date d'organisation. Tous les investissements vont se faire au détriment d'autres", redoute notamment Danielle Simonnet, la porte-parole nationale de la France Insoumise. Pour cette membre du Conseil de Paris, "on est dans une logique où les sponsors et les grandes multinationales qui sont derrière seront gagnantes et non la pratique sportive populaire".
Parallèlement, les Parisiens et les Franciliens subiront la profonde rénovation de leurs lignes de métros, de tramways et de RER. Des travaux antérieurement prévus, mais qu'il sera aisé, par amalgame, d'imputer aux Jeux, sur le plan des nuisances comme des coûts. "Ce sera à nous de faire de la pédagogie", prévient déjà Étienne Thobois.
6. Rénover le modèle sportif
Sur le plan sportif, les ambitions sont tout aussi grandes. En 2024, la France espère doubler son nombre de médailles par rapport aux derniers Jeux de Rio (42, contre 35 en 2012), a déjà annoncé la ministre des Sports Laura Flessel, pour qui "Tokyo 2020 est une première étape".
"Notre modèle date de 1960. Il n'y a rien dans le monde qui n'a pas évolué depuis les années 1960, sauf le modèle sportif français", explique à l'AFP le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Denis Masseglia, réélu en mai pour un troisième mandat de quatre ans.
Des propositions pour renouveler ce modèle devraient voir le jour assez rapidement, notamment pour travailler sur la détection, une notion "pas habituelle" en France, mais qui doit selon Denis Masseglia rentrer "dans le langage courant". La natation française, en pleine crise après des JO 2012 retentissants, a notamment déjà lancé son plan "Gavroche 2024", qui vise à soutenir l’éclosion des futurs talents des bassins.
7. Se préparer à l'arrivée de nouvelles disciplines
À partir des JO 2020, les comités d'organisation des villes hôtes pourront proposer les nouvelles disciplines qu'ils souhaitent inviter. Le CNOSF a jusqu'à 2021 pour choisir, avant la décision ultime du CIO. Le billard, la pétanque, le ski nautique et le squash, recalé pour les JO de Tokyo, postulent déjà. "Mais avant de statuer sur quoi que ce soit, il faudra attendre les Jeux de Tokyo", prévient Denis Masseglia. Et qui dit nouvelle discipline dit risque de devoir prévoir de nouvelles infrastructures. Une chose est sûre : il va y avoir du sport.