Plus de 20.000 supporters américains en délire, un stade plein, des stars au rendez-vous : la victoire des États-Unis face aux Pays-Bas (2-0), dimanche en finale à Lyon, a conclu en apothéose la Coupe du monde féminine. Durant un mois, le Mondial organisé en France a été, de l’avis quasi général, une immense réussite. Les records d’audience ont été pulvérisés un peu partout dans le monde, alors que l’affluence dans les stades a également été au rendez-vous. Mais une fois passée l’euphorie de la Coupe du monde, le foot féminin va devoir redoubler d’efforts pour se développer et combler, progressivement, l’immense fossé qui le sépare des hommes.
À la télé : des records partout dans le monde, et maintenant ?
Jamais, depuis sa création en 1991, la Coupe du monde féminine n'avait été autant médiatisée. Les records d'audience pour du foot féminin ont été pulvérisés dans de nombreux pays, de l'Angleterre à l'Italie en passant par le Brésil. En France, près de 10 millions de téléspectateurs ont en moyenne suivi les matches des Bleues, avec un pic à 12 millions pour le huitième de finale remporté contre le Brésil, là aussi un record. Les prochaines rencontres des Bleues seront diffusées par le groupe M6 à partir de la rentrée, soit sur la "grande" M6, comme un match sur deux de l'équipe de France masculine, ou comme actuellement sur la "petite sœur" W9.
La principale interrogation concerne la couverture médiatique du foot féminin de clubs. Aux État-Unis, où le "soccer" féminin rayonne déjà bien plus qu'ailleurs, la chaîne ESPN vient d'officialiser la diffusion de 14 matches de championnat, jusqu'aux demies et la finale au mois d'octobre. En France, la D1 féminine est davantage exposée depuis un an grâce à la diffusion des matches sur les chaînes des groupes Canal+. Reste à savoir si les téléspectateurs seront devant leur poste pour la reprise de la saison.
Dans les stades : un succès à confirmer
Dans les stades, le succès populaire a également dépassé les attentes des organisateurs, avec un taux de remplissage moyen de 74%. Les matches de l’équipe de France ont tous été disputés à guichets fermés, tout comme les demi-finales et la finale à Lyon, avec des milliers de fans américains et néerlandais. Seul bémol : de nombreux matches du premier tour se sont joués devant un public bien maigre, notamment à Montpellier et à Nice.
Mais cet engouement populaire inédit va-t-il perdurer ? Dans la plupart des pays, les matches de championnat féminin n’attirent pas plus que quelques centaines de spectateurs, hormis les grosses affiches. Ces derniers mois, un frémissement s’est tout de même fait sentir, avec un Atlético de Madrid-Barça disputé devant 60.000 supporters (record mondial pour un match de clubs féminins), ou un Juve-Fiorentina devant 40.000 personnes.
Fans in Lyon = #OnzeJachtpic.twitter.com/JVheKW6M3A
— OranjeLeeuwinnen (@oranjevrouwen) 7 juillet 2019
L’argent : les grands clubs européens arrivent en force, en attendant les sponsors
Les grands clubs européens n’ont pas attendu la Coupe du monde pour percevoir le potentiel de développement qu’offre le football féminin. Le FC Barcelone (finaliste de la dernière Ligue des champions contre Lyon), le Bayern Munich, Chelsea, Manchester City ou l’Atlético de Madrid sont désormais installés au plus haut niveau. La Juventus Turin s’y est également mise l’an dernier, alors que le Real Madrid alignera une équipe en 2020. Avec les énormes moyens de ces "géants", le foot féminin va donc forcément se professionnaliser et hisser son niveau dans les années à venir. En Chine également, l’argent devrait arriver en masse. L’équipe féminine chinoise va ainsi recevoir un don de 130 millions d’euros (étalé sur une dizaine d'années) de Jack Ma, le milliardaire fondateur du site de commerce en ligne Alibaba.
Toutes ces bonnes nouvelles ne cachent cependant pas l’énorme écart avec le foot masculin, aussi bien au niveau des salaires que des recettes de sponsoring. "Il faut passer à l'étape supérieure. Tout le monde est prêt pour que nous ayons l'égalité salariale. Il faut savoir maintenant comment on peut soutenir les fédérations et soutenir les championnats à travers le monde", a déclaré la star américaine Megan Rapinoe, interrogée après la finale. Le chemin vers l’égalité sera très, très long.
En France : vers un boom des licenciées, mais un futur en pointillés
L’engouement autour de la Coupe du monde devrait permettre à la France d’atteindre rapidement la barre des 200.000 licenciées, contre 185.000 actuellement. Sportivement, le futur du foot féminin français suscite cependant de nombreuses interrogations. L’équipe de France, éliminée en quarts de finale par les États-Unis, a été loin des attentes, aussi bien en termes de jeu que de résultat. "L’objectif était au moins la finale. On ne peut pas se contenter de ça", a estimé notre consultante Sandrine Roux. Les Bleues, qui ont également raté la qualification pour les JO 2020, devront patienter jusqu’à l’Euro 2021 pour retrouver une grande compétition.
Le football féminin de clubs doit également profiter de ce Mondial pour se développer. La D1 féminine n’attire généralement que quelques centaines de spectateurs, hormis les chocs entre Lyon et le PSG, les deux ogres qui survolent le championnat depuis des années. "Il faut qu’on travaille bien sur la D1 féminine, qui mérite mieux. On ne peut pas passer de tant d’engouement à un championnat où il y a 120 personnes sur des terrains pas formidables. On doit tous faire des efforts, on va les faire", a juré Noël Le Graët, le président de la FFF, interrogé par l’AFP. Là aussi, le chantier prendra beaucoup, beaucoup de temps.