Le foot chinois a mis le pied sur l'accélérateur. Ces derniers jours, plusieurs joueurs de renom ont signé pour des clubs de la République Populaire, aux pouvoirs financiers de plus en plus importants. Ramires, milieu de terrain vainqueur de la Ligue des champions avec Chelsea, s'est ainsi engagé avec le Jiangsu Suning pour le montant record de 28 millions d'euros. Deux anciennes stars de Ligue 1, l'Ivoirien Gervinho et le Camerounais M'Bia, ont eux aussi quitté l'Europe pour tenter l'exotique aventure chinoise. Mais alors, pourquoi les footballeurs s'exilent en Asie ?
Des clubs de plus en plus riches. Après des années de vaches maigres, le foot chinois a pris son envol ces dernières années. L'Etat a fait du développement du ballon rond une priorité, incitant les entreprises à investir massivement. Résultat : les droits télévisés du championnat chinois ont explosé. La société CMC (China Medial Capital) a ainsi déboursé l'an dernier un peu plus d'1,1 milliard d'euros pour diffuser la ligue locale, pour une durée de cinq ans.
"Les droits télévisés sont passés de 11 millions d'euros par saison à 280 millions d'euros par an (en comparaison, la Ligue 1 percevra 750 millions d'euros par an entre 2016 et 2020, ndlr). Désormais, les clubs chinois peuvent s'offrir des bons voire des très bons joueurs", explique Jean-Pascal Gayant, professeur d'économie spécialisé dans le sport.
Des salaires (très) attractifs. Forts de cette manne financière, les clubs chinois peuvent désormais dépenser (presque) sans compter sur le marché des transferts et offrir des salaires très attractifs, parfois plus avantageux qu'en Europe. Ainsi, l'international colombien Fredy Guarin, qui a quitté l'Inter Milan pour le Shanghai Shenhua, devrait gagner 11 millions d'euros par an, selon le site italien calciomercato.com.
"Quand un footballeur dit qu'il va partir en Chine, il dit que c'est un défi sportif. Tout le monde sait qu'il y a un projet financier, personne n'est dupe", estime Jean-Pascal Gayant. "Par contre, il faudra observer avec attention l'attractivité croissante du football chinois. Aujourd'hui, ce n'est pas un choix uniquement sportif. Mais plus le championnat va se structurer, plus il s'agira d'un compromis entre la trajectoire salariale et le choix sportif", poursuit l'économiste.
Des noms bien connus sur les bancs. Si on est encore loin du niveau de la Liga ou de la Premier League, le championnat chinois a tout de même spectaculairement progressé. Marcelo Lippi, l'entraîneur champion du monde avec l'Italie en 2006, a ainsi mené le Guangzhou Evergrande au premier titre de champion d'Asie d'un club chinois, en 2013. Depuis, d'autres grands noms du foot mondial ont rejoint l'Empire du milieu. Luiz Felipe Scolari, l'ancien sélectionneur du Brésil, champion du monde en 2002, est l'actuel coach de Guangzhou. De quoi inciter les joueurs à rallier la Chine.
Un intérêt populaire croissant. Ce cycle vertueux s'est également matérialisé dans les affluences des stades, en nette hausse. La ferveur est certes encore loin des enceintes européennes, mais le championnat chinois enregistre tout de même une moyenne d'environ 20.000 spectateurs par match (un peu moins qu'en Ligue 1, ndlr), selon un document du ministère des Sports sur les "Marchés émergents du foot". Des chiffres honorables, mais encore modestes à l'échelle d'un pays d'1,3 milliard d'habitants.
"La possibilité que le foot se développe en Chine est réelle. Je suis convaincu que le football va prendre de l'ampleur, il n'y a aucune incertitude là-dessus", prophétise Jean-Pascal Gayant. Mais, si le championnat local prend son envol, la sélection nationale, elle, ne sort pas de l'anonymat. Seulement 82e au niveau mondial, la Chine n'a participé à qu'une seule Coupe du Monde, en 2002. Pour l'Empire du Milieu, la conquête de la planète foot n'en est qu'à ses balbutiements.