C’est peut-être la fin d’un vieux serpent de mer. Invitée mardi de RMC, la ministre des Sports Roxana Maracineanu a ouvert la porte à une légalisation du MMA, violente et spectaculaire discipline de combat, dont les compétitions sont interdites, mais que de nombreux amateurs pratiquent déjà.
Qu’est ce que le MMA ?
Le Mixed Martial Arts (MMA) est un sport de combat associant de nombreuses disciplines, allant du judo à la boxe thaï, en passant par la lutte. Pratiqué dans une cage en forme d’octogone, il autorise les coups de pied, poing, genou et coude, mais aussi les coups au sol. Le vainqueur est désigné par KO, décision des juges ou immobilisation.
En France, la pratique du MMA à l'entraînement existe, et elle est tolérée. Si on ignore le nombre exact d’adeptes, les chiffres évoqués varient entre 30 et 50.000 pratiquants. Mais il n’existe pas de fédération agréée, et donc pas de formateurs diplômés. Et surtout, les compétitions demeurent interdites.
Pourquoi les compétitions sont-elles interdites ?
La France est l’un des derniers pays où le MMA est interdit en compétition, avec la Norvège et la Thaïlande. En France, l’interdiction se base notamment sur une recommandation du Conseil de l’Europe de 1999, qui conseille "d’interdire et d’empêcher les combats libres tels que la lutte en cage", évoquant une "atteinte à la dignité humaine".
Jusqu’en 2016, le MMA n’était pourtant pas interdit formellement dans les textes nationaux. Mais le 23 octobre de cette année là, Thierry Braillard, alors secrétaire d’État aux Sports, avait pris un arrêté interdisant de fait les compétitions. Car s’il ne nommait pas le MMA, le texte interdisait "les coups de poings, coups de pieds, coups de coudes et coups de genoux visant un combattant au sol". L’arrêté, qui redéfinissait les "règles techniques et de sécurité applicables aux manifestations publiques de sports de combat", cantonnait également les combats autorisés à un tapis ou à un ring.
Cette décision du gouvernement de Manuel Valls avait alors d’autant plus choqué les défenseurs du MMA que cet arrêté venait couper l'herbe sous le pied à un rapport parlementaire sur le point d’être rendu et qui proposait la reconnaissance progressive et l’encadrement de la discipline.
En France, le MMA compte face à lui de nombreux adversaires au sein des disciplines concurrentes, comme le judo. "Le MMA est un refuge pour djihadiste", avait osé en 2015 le patron de la Fédération française de Judo Jean-Luc Rougé, dans un entretien à l’AFP. Et de poursuivre : "pour moi, le MMA n’est pas un sport. Tout ça est né d’une invention pour faire du business. Il n’y a pas d’aspect éducatif avec ce genre de discipline".
La remise du rapport avait été suivie de la création d’un observatoire des pratiques du MMA, mené par la Confédération française des arts martiaux et des sports de combat (CFAMSC).
Pourquoi le gouvernement ouvre la porte aujourd'hui?
Sur RMC, Roxana Maracineanu reconnait que le MMA est "très pratiqué en France". Mais sans reconnaissance officielle, ajoute-t-elle, "il y a le danger que des éducateurs interviennent sans diplôme". Un problème pointé depuis plusieurs années par les associations de MMA. "On a aussi envie de réglementer pour avoir un œil sur cette discipline", a-t-elle ajouté, évoquant le "danger" de la "radicalisation" religieuse dans certaines salles d'entraînement.
Sur ce point précis, les acteurs du MMA français n’éludent pas non plus la question. "Je ne l’ai pas vécu directement mais c’est quelque chose qu’on ne peut pas ignorer", explique dans L'Équipe Bertrand Amoussou, président de la Commission française de MMA. Mais, précise le quotidien sportif, "le sujet est loin d’être identifié comme un sujet premier dans le rapport de l’observatoire des pratiques du MMA".
Comment les adeptes du MMA défendent-ils leur discipline?
Interrogé dans L’Express, Patrick Vignal, l’un des deux rapporteurs de la mission parlementaire de 2016, s’élevait à l'époque contre les idées reçues sur le MMA, qui "ne porte pas du tout atteinte à la dignité". "Les coups au sol n’ont pas la même portée que debout. Un combattant au sol est armé pour esquiver et faire des clés de bras", expliquait-il notamment, tout en défendant l’usage de l’octogone, qui "permet d’éviter les projections", et assure la sécurité des spectateurs.
Un business très lucratif. Très populaire à travers le monde, le MMA génère désormais d’importants revenus et audiences. L'Ultimate Fighter Championship (UFC), la principale organisation du MMA dans le monde, avait été rachetée en 2016 pour plus de 3 milliards d'euros.
En mars 2018, les 15.000 billets pour la Flight Night, à l’O2 Arena de Londres, s’étaient écoulés en un jour et demi, rappelle BFMTV, tandis que le combat entre le Russe Khabib Nurmagomedov et la star de la discipline, l’Irlandais Conor McGregor, avait engendré près de 3 millions de ventes en paiement à la séance, en octobre de la même année.
Rappelant les efforts de la discipline pour mieux protéger les athlètes, Bertrand Amoussou vantait lui dans L’Équipe fin 2018 un sport "qui permet la maîtrise de toutes les distances du combat, debout, au sol, au corps à corps". "Un combat au sol, ce n’est pas du cafouillage, de la bagarre. C’est tout un art", argumentait-il encore.
Et maintenant ?
La route reste encore longue pour la légalisation du MMA. Un appel à manifestation d'intérêt a été lancé car cette légalisation se fera à condition qu’une ou des fédérations déjà structurées prennent ce sport en charge, a indiqué Roxana Maracineanu, qui évoque aussi "surement un aménagement à faire pour que ce ne soit pas une cage qui retiennent les combattants sur le ring comme des animaux". Et ce alors que l’octogone fait partie de l’identité du MMA.