Qui est Mediapro, ce groupe espagnol qui vient de rafler les droits de diffusion de la Ligue 1 ?

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Anaïs Huet
Les droits de diffusion du Championnat de France pour la période 2020-2024 se sont vendus mardi à plus de 1,153 milliard d'euros par an. Le grand gagnant de l'appel d'offres est Mediapro, un acteur jusqu'alors inconnu en France. Et dont le projet reste flou. 

Jusqu'ici inconnu au bataillon, Mediapro vient de faire une entrée tonitruante sur le marché des droits télé du sport en France. Le groupe espagnol, récemment racheté par un groupe chinois, a remporté mardi les principaux lots mis aux enchères par Ligue de football professionnel (LFP). Les droits télé augmentent ainsi de plus de 60% pour atteindre au total plus de 1,1 milliard d'euros par saison, dont la grande majorité revient donc à Mediapro. Mais qui est ce nouvel acteur qui vient bousculer les traditionnels diffuseurs, Canal+ et BeIn ? 

Qui se cache derrière Mediapro et quelle est son activité ?

Mediapro est un groupe audiovisuel créé en 1994 par l'homme d'affaires catalan Jaume Roures, et basé à Barcelone, en Espagne. Au fil des années, le groupe, qui compte en tout 6.000 salariés, a développé des antennes en Espagne, en Europe et dans le monde (Lisbonne, Budapest, Miami, Porto, Amsterdam, ou au Qatar). Le groupe détient l'essentiel des droits télévisés du foot espagnol (huit matches sur dix de Liga), ainsi que ceux que la Ligue des champions en Espagne. Il gère également les droits de la Liga à l'étranger. Le groupe possède par ailleurs deux chaines de télévision en Espagne, La Sexta et Gol Television, ainsi que le journal Público, uniquement vendu sous forme numérique. Mediapro produit également des contenus de chaînes comme beIN Sports en Espagne.

L'entité a été rachetée en février dernier par un groupe chinois, Orient Hontai Capital, à hauteur de 53.5% du capital, pour environ 1 milliard d'euros. Le reste est possédé par WPP, groupe publicitaire anglais, (22,5%) et Jaumes Roures (12%). 

Depuis février dernier, Mediapro a lancé l'offensive pour s'implanter sur le marché européen des droits de télévision de sport. En février dernier, le groupe était parvenu à acheter les droits de la Serie A, le championnat italien, pour la période 2018-2021, à hauteur de 1.05 milliard d'euros par saison, coiffant au poteau la chaîne Sky Italia. Mais la transaction a finalement été annulée, ou du moins suspendue. Mediapro s'est en effet soustrait au dépôt d'une garantie bancaire estimée à un milliard d'euros. La Serie A, avec l'appui des clubs, a donc décidé ce mardi dernier de rompre le contrat. Mais il reste une chance à Mediapro, qui a encore quelques jours pour déposer les fonds réclamés.

Ce couac avec les droits télévisés du championnat italien soulève quelques inquiétudes quant à la diffusion de la Ligue 1. Mais mardi, le directeur de la LFP Didier Quillot s'est montré rassurant. Selon lui, le cahier des charges de l'appel d'offres n'était "pas complètement clair" en Italie, contrairement à celui concocté par l'instance française.

Quel est son projet pour la Ligue 1 ?

Mediapro a donc acquis les droits de diffusion de huit matches de Ligue 1 par journée de championnat en exclusivité de 2020 à 2024. Pour les diffuser, le groupe a prévu de créer une chaîne de télévision en France. Passeront sur cette nouvelle antenne, sur laquelle le flou persiste, les dix plus belles affiches de la saison, le match du vendredi soir, celui du dimanche soir, du dimanche à 13 heures, du samedi à 17 heures et le multiplex du dimanche à 15 heures. "Ce qui nous a été remis de la part de Mediapro, c'est le projet d'une chaîne éditoriale avec de nombreux matches et c'est pourquoi ils ont fait des offres sur de nombreux lots", a expliqué Didier Quillot, directeur général de la LFP.

Mais pour ce qui est de la forme que prendra cette chaîne de diffusion, le mystère reste entier, même pour la LFP, semble-t-il. "Mediapro peut sous-licencier ou pas, c'est à sa discrétion car c'était prévu dans l'appel d'offres", a précisé Didier Quillot. Dès lors, d'autres médias devraient pouvoir négocier avec Mediapro pour récupérer au moins en partie certains lots.

Comment réagissent les diffuseurs traditionnels ?

Si les présidents de clubs de Ligue se sont tous réjouis à l'annonce de cette manne à venir, le scepticisme est de mise chez les diffuseurs traditionnels. Mardi soir, Canal+ a assuré que la partie n'était pas finie et qu'elle était toujours en capacité de négocier avec Mediapro pour racheter certains matchs. Mais pour Christophe Lepetit, économiste du sport et directeur du département économique au CDES (le centre de droit et d’économie du sport, à Limoges), l'hypothèse ne tient pas. "Ils sont dans leur rôle. Ils veulent rassurer leurs abonnés. Maintenant, je me mets à la place de Mediapro. S'ils éditent une chaîne pour diffuser leurs contenus (comme cela est prévu), je ne les vois pas revendre une partie de leurs droits à Canal+", a estimé le spécialiste sur Europe 1 mercredi matin.

De son côté, Maxime Saada, président du Directoire de Canal+ et invité exceptionnel de la Matinale d'Europe 1 mercredi, a affirmé que la bataille ne faisait que commencer. Le groupe étudie actuellement un recours auprès de la Haute autorité de la concurrence. "On est prêts à toutes les options. On va aussi regarder comment ça s'est fait juridiquement. Il faut regarder si l'appel d'offres a été tenu correctement", a-t-il indiqué.

Pire, Maxime Saada ne croit pas à la viabilité de cette future chaîne en France. "J'estime que Mediapro a payé 800 à 850 millions d'euros pour les droits qu'ils ont acquis. Pour rentabiliser, cette somme il faudrait à peu près 7 millions d'abonnés à 15 euros par mois. BeIn sport ça fait 6 ans qu'ils sont là, ils sont à peine arrivés à 3,5 millions d'abonnés, alors qu'ils ont les droits de la Coupe du monde, l'Euro, le basket… On pose beaucoup la question de la survie de Canal. Moi je pose la question de la survie de Mediapro. Car je suis sûr que Canal + survivra", a-t-il déclaré.