Cette année-là, Yannick Noah n'aura accordé que très peu de place à la concurrence sur l'ocre de Roland-Garros. Le 5 juin 1983, au terme d'une finale maîtrisée face au Suédois Mats Wilander, le Français soulève le trophée du prestigieux tournoi parisien et conclut ainsi 15 jours de domination presque sans partage. Une épopée glorieuse que l'ancien champion retrace au micro de Jacques Vendroux dans un podcast inédit "Yannick Noah, entre vous et moi".
Avant de songer à une éventuelle finale face à un Wilander favori et vainqueur de l'édition précédente, c'est un autre Suédois que Yannick Noah doit écarter en ouverture du tournoi. Un certain Anders Järryd, peu connu du grand public à l'époque mais qui atteindra toutefois la cinquième place mondiale deux ans plus tard. "Un bon joueur. Plutôt un bon joueur de double mais un joueur qui peut être dangereux", se souvient Noah. Mais le Franco-Camerounais ne compte pas laisser le suspense s'exprimer. "Je suis en forme et à ce moment-là, il n'a pas forcément de très bons résultats". Le verdict est sans appel : le Tricolore s'impose sans broncher 6-1, 6-0, 6-2.
"Pecci, c'était le playboy du moment"
Au tour suivant, c'est le robuste paraguayen Victor Pecci (1,93m) qui se dresse sur la route de Noah. Très à l'aise sur terre-battue, le Sud-Américain avait même atteint la finale de Roland-Garros en 1979 puis s'était hissé jusqu'en demie deux ans plus tard, battu à chaque fois par la légende Bjorn Borg. Mais Pecci disposait également d'un autre atout, rappelle Yannick Noah. "Dans l'univers du tennis où ils sont tous avec leurs tenues blanches, parfaites, nickels, j'aime bien avoir cette place du métissé rastaquouère. Le problème, c'est que Pecci, c'était le playboy du moment. Donc il prend un peu cet espace quand on rentre sur le court". Mais le Paraguayen n'affiche plus la même vigueur qu'auparavant et Yannick Noah s'en défait sans difficulté 6-4, 6-3, 6-3.
Place ensuite à un Américain, au contraire, plus en difficulté sur terre battue. À Roland-Garros, Pat Dupré ne dépassera jamais ce troisième tour atteint en 1983. "Pas un bon joueur, mais un gars qui est plutôt un bon stratège. Il ne jouait pas bien mais il faisait mal jouer. Et ça n'a pas raté", schématise Yannick Noah. Le Français connaît bien plus de difficultés sur le court et doit batailler pour s'adjuger les deux premiers sets (7-5, 7-6). Avant de retrouver de la sérénité dans la dernière manche, remportée 6-2. "Un match qui aurait pu vraiment mal tourner", reconnaît-il.
Lendl "était le mec parfait et moi le guignol"
En huitième de finale, le futur vainqueur affronte John Alexander. Un stade de la compétition que l'Australien, ancien huitième joueur mondial, n'a jamais dépassé porte d'Auteuil. Et devant lequel il se heurtera à nouveau face à un Yannick Noah intraitable. "Ce n'est pas un joueur de terre battue, il est assez lent. Et moi je me régale", confie le Tricolore. Le tableau d'affichage confirmera rapidement l'écart entre les deux protagonistes. Noah l'emporte en trois sets 6-2, 7-6, 6-1.
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Il est désormais temps, pour le Français, de se frotter à une véritable légende du circuit, vainqueur à trois reprises à Roland-Garros. Considéré comme l'un des tous meilleurs joueurs de son époque, le Tchèque Ivan Lendl fait figure de favori. "J'aimais beaucoup jouer Lendl. Je n'avais rien de particulier contre lui mais il y avait ce truc qui s'était créé comme quoi lui était le mec parfait et moi le guignol". De quoi décupler la motivation du Français qui parvient à empocher les deux premiers sets (7-6, 6-2) avant de s'offrir une balle de match dans la troisième manche. "Il joue des petits coups de bluff comme ci comme ça et ça passe et je perds le set". Une simple péripétie puisque la quatrième manche sera expédiée (6-0) par Noah qui s'ouvre ainsi les portes du dernier carré.
Le Tchèque Ivan Lendl, un des plus grands joueurs de tous les temps, a été battu par Yannick Noah en quarts de finale.
Crédit : AFP
S'ensuit une confrontation franco-française face à Christophe Roger-Vasselin pour une place en finale. Un adversaire bien moins redoutable que le Tchèque sur le papier mais auteur d'une formidable quinzaine, notamment ponctuée d'une victoire de prestige face à l'Américain Jimmy Connors, huit fois vainqueur en Grand Chelem. Un parcours de rêve qui s'avère toutefois très exigeant physiquement. Un déficit d'énergie qu'il paiera au prix fort face à un Noah de gala. "Je fais un bon match et lui, il fait un non-match", résume le futur vainqueur qui balaiera le pauvre Roger-Vasselin 6-3, 6-0, 6-0. "Le score n'a aucune importance parce que ça ne reflète pas du tout le match qu'on aurait pu faire", assure Noah.
"Tous les astres sont alignés"
Plus qu'un match avant le graal désormais. Et qui de mieux que le Suédois Mats Wilander, tenant du titre et vainqueur à sept reprises en Grand Chelem, pour offrir au Français un instant de gloire. "Je suis très content de jouer contre lui parce que je l'ai battu trois semaines avant à Hambourg. Et j'ai perdu contre lui à Estoril un mois et demi avant mais je dois gagner le match", affirme Noah, convaincu de sa capacité à renverser la montagne scandinave. "Psychologiquement, je pense que je peux gagner. Et j'aime son jeu parce qu'il reste au fond du court et moi je peux attaquer, il me laisse l'espace pour exprimer mon jeu".
Yannick Noah sert la main de Mats Wilander au terme d'une finale remportée avec panache.
Crédit : AFP
Sous un soleil resplendissant, devant un public acquis à sa cause, Yannick Noah le sent : "Tous les astres sont alignés". "Toute la France va regarder le match et surtout, les gens vont regarder parce qu'ils pensent enfin que je peux gagner et qu'on peut gagner", déclare-t-il. Sur le court central, rien ne paraît en mesure de dévier la trajectoire du Français à qui le titre semble promis. "C'est une espèce d'état de grâce, on va dire, mais un état de grâce qui a été travaillé, ce n'est pas un coup de chance", assure l'intéressé. Un état de grâce qui le conduira vers un succès en trois sets 6-2, 7-5, 7-6. Pour l'éternité.