Des bateaux immenses, une course en solitaire autour du monde sans escale et sans assistance : depuis sa création en 1989, le Vendée Globe représente le défi ultime des navigateurs. A 36 ans, Charlie Dalin va enfin pouvoir assouvir son rêve. Le skippeur, qui s’alignera sur l’Imoca Apivia, n’était pourtant pas prédestiné à s’aligner sur la plus prestigieuse des courses en solitaire. Né au Havre, dans une famille sans le moindre marin, il s’est pris de passion pour la voile à l’adolescence, avant de patiemment parvenir, à force de travail et de persévérance, à décrocher une place pour le Vendée Globe. Europe 1 vous présente cet ambitieux "débutant", qui tiendra un carnet de bord hebdomadaire sur notre antenne et notre site internet tout au long de la course, à partir du 8 novembre.
Des posters de marins dans sa chambre d’ado
La passion de Charlie Dalin est née lors de vacances en famille dans le Finistère. Il n’a que six ans quand il découvre la voile, lors d’un stage d’Optimist, ces petits bateaux de 2,30 mètres de long, populaires dans le monde entier. De retour au Havre, il continue de naviguer sur les bassins de la cité normande, mais il en veut davantage. "J’ai rapidement eu envie d’aller sur la mer avec des vagues, avec des vents moins perturbés par les bâtiments alentours. J’ai aimé cela de plus en plus, au fur et à mesure", se souvient-il. Tous les deux ans, il assiste au départ de la prestigieuse Transat Jacques-Vabre, qui relie Le Havre à Salvador de Bahia, et se prend à rêver du grand large. "J’allais voir ces machines de course amarrées aux pontons avant de traverser l’Atlantique. J’allais à la Transat, comme disent les Havrais".
Sa passion prend réellement forme à l’adolescence. Sa première rencontre avec le Vendée Globe a lieu en 1996, alors qu’il n’avait que 12 ans. "On m’a offert le livre de Christophe Auguin, qui a remporté la course. Je l’ai lu énormément de fois". Il s’abonne alors à des magazines de voile, achète des maquettes de voiliers et tapisse sa chambre de posters de marins. "J’avais des posters de Franck Cammas, de Paul Vatine et pas mal d’autres. Je n’ai jamais eu de posters de l’équipe de France 1998", s’amuse-t-il. "C’est vraiment à partir de ce moment-là que la voile a dicté ma trajectoire de vie. Je ne pensais qu’à cela."
Des études d’architecture navale en Angleterre, des expériences en Suède et en Australie
Mais comment faire pour devenir navigateur quand on ne vient pas d’une famille de marins et qu’on ne connaît personne dans le milieu ? "Je n’avais pas de réseau, je n’avais pas de contacts. Je suis allé voir Marc Lombard (un architecte naval renommé) juste avant d’entrer en première. Il m’a accueilli une journée, il m’a montré son métier et il m’a surtout donné les coordonnées de la meilleure université pour faire de l’architecture navale". Une fois son bac en poche, Charlie Dalin met le cap en 2002 sur Southampton, en Angleterre, où il étudie durant quatre ans. En parallèle, il continue de naviguer, n’hésitant pas à se rendre sur les pontons pour "demander aux marins s’il leur manquait quelqu’un pour les régates".
Son diplôme validé, en 2006, il bourlingue de l’Australie à la Thaïlande en passant par la Suède, accumulant les expériences avec, toujours, l’ambition de vivre de sa passion. "J’ai alterné le bateau et l’architecture pendant plusieurs années. J’ai passé un an en Suède à Stockholm, en 2008, sur la construction de deux voiliers pour le tour du monde en équipage (la Volvo Ocean Race). J’ai fait ma première traversée de l’Atlantique en 2009, sur un petit bateau de six mètres de long entre La Rochelle et le Brésil, puis je suis retourné en Australie pour la construction d’un trimaran qui devait participer à la Route du Rhum 2010". Il en est alors convaincu : il est fait pour la course au large.
Une longue phase d’apprentissage
Cette même année 2010, il est embauché pour travailler au sein du bureau d’études d’Armel Le Cléac’h, le futur vainqueur du Vendée Globe 2016-2017. "J’ai pu l’accompagner sur certaines courses, on était tous les deux sur son bateau. Ça m’a permis de voir comment il s’y prenait, comment il manœuvrait. Le Vendée Globe me paraissait lointain, avec des gros bateaux et des grosses équipes. Ça me paraissait énorme, je n’avais pas beaucoup d’expérience à ce moment-là ", raconte-t-il.
Charlie Dalin passe professionnel l’année suivante, en 2011, et cherche à obtenir, sans succès, un financement pour s’aligner sur le Vendée Globe 2012. Qu’à cela ne tienne, il va accumuler les courses pour parfaire son apprentissage. "Il n’y a pas eu de frustration", assure-t-il. "C’est après que j’ai commencé à faire la Solitaire du Figaro. J’ai fait sept fois la Solitaire en huit ans (il termine trois fois deuxième en 2014, 2015 et 2016, et deux fois troisième en 2017 et 2018), c’est là où j’ai tout appris et où je me suis vraiment formé à la course au large. C’est l’antichambre du Vendée Globe, presque tous les anciens vainqueurs ont fait la Solitaire."
Les conseils de Yann Eliès et de François Gabart
Charlie Dalin, qui se définit lui-même comme un "perfectionniste", s’est abreuvé tout au long de son parcours des conseils de prestigieux navigateurs. En 2014, il rencontre Yann Eliès, avec qui il terminera troisième de la Transat Jacques-Vabre (ils l’ont également remportée l’an dernier sur Apivia), avant de devenir son remplaçant sur le Vendée Globe 2016-2017. "Je suis à bord avec lui, je suis le dernier à sauter à l’eau seulement quatre minutes avant le coup de canon. Je barre le bateau en sortant du fameux chenal des Sables-d’Olonne et je vois comment il évolue mentalement avant le départ. C’était une expérience très intéressante."
Il a également sollicité François Gabart, vainqueur du Vendée Globe en 2013. "Il m’a apporté beaucoup sur le côté humain, sur le sommeil et sur comment gérer son rythme sur une période aussi longue. Il a un point de vue intéressant", explique-t-il.
Une préparation au millimètre depuis deux ans
Le long chemin de Charlie Dalin se concrétise finalement en mars 2018 avec la signature du projet Apivia. "Ce Vendée Globe arrive au bon moment. Je me suis construit et je suis monté en niveau pendant toutes ces années", se félicite-t-il. Depuis deux ans, le skippeur se consacre à plein temps à la préparation de la course, "sans rien laisser au hasard". "J’ai réfléchi à tous les domaines et à tous les aspects : nutrition, sommeil, mais aussi toute la partie bateau. Tout est optimisé et étudié."
Sa préparation physique, indispensable pour tenir de longues semaines en mer, a aussi été adaptée en conséquence. "Avant j’avais un rameur à la maison, mais maintenant j’ai une colonne, comme un vélo à bras, parce qu’au Vendée Globe on fait les manœuvres avec ce qu’on appelle un 'moulin à café'. C’était un bon investissement parce que j’ai pu en faire pendant le confinement", s’amuse-t-il. Car Charlin Dalin a dû composer, comme de nombreux skippeurs, avec une préparation perturbée par le confinement. "J’ai fait beaucoup de sport et j’ai beaucoup travaillé sur mon avitaillement (l’alimentation). L’avantage de notre sport c’est qu’il se prépare beaucoup par ordinateur. J’ai aussi beaucoup travaillé sur la météo."
S’il craint une collision avec un mammifère marin ou un objet en mer, Charlie Dalin reste confiant et pleinement concentré sur son objectif. "Je suis un compétiteur, je n’envisageais pas de faire le Vendée Globe uniquement pour le faire". Et même s’il assure aborder la course avec "beaucoup d’humilité", le skippeur ne cache pas ses ambitions. "Si je peux gagner, je le ferais".