Huawei a présenté mardi son usine de Brumath, en Alsace, la toute première du géant mondial des télécommunications implantée hors de Chine. Ce site va servir à produire des composants pour les antennes 5G, un secteur stratégique dans lequel Huawei est le leader incontesté. Sauf que l’Europe aimerait bien ne pas être dépendante du géant chinois pour ses réseaux mobiles, à cause des suspicions d'espionnage qui planent sur lui. Résultat, alors que la 5G est encore balbutiante - notamment en France -, l'Union européenne prépare déjà l'étape d'après en lançant des projets pour développer… la 6G. Pour cela, elle s'appuie sur ses champions, Nokia et Ericsson.
Un réseau 100 fois plus rapide que la 4G
La 6G, sixième génération de réseau mobile, ne sera pas déployée avant 2030, date à laquelle la 5G devra être activée sur l'ensemble du territoire français. C'est donc une technologie encore très floue : aucun test n'a pour l'instant été mené. Mais les équipementiers télécoms ont déjà fait de premières estimations et la promesse est alléchante : la 6G devrait offrir un débit 10 fois plus rapide que la 5G et 100 fois plus rapide que la 4G. "Au-delà du débit, il y a plusieurs enjeux, à commencer par la fiabilité et la sécurité. Nous sommes de plus en plus dépendants des réseaux mobiles, il faut donc qu'ils respectent la confidentialité des données", explique Viktor Arvidsson, directeur de la stratégie d’Ericsson France.
Tous les usages de la 6G sont encore à imaginer mais, selon lui, il faudra impérativement un focus environnemental, seul moyen de convaincre les utilisateurs déjà sceptiques vis-à-vis des effets de la 5G sur l'Homme et la nature. "La 6G devra accompagner la transition écologique de nos sociétés, par exemple en étant en soutien de l'économie circulaire", avance Viktor Arvidsson auprès d'Europe 1. "L'autre point fondamental, c'est qu'il faut que l'on arrive à déployer ce réseau en maîtrisant sa consommation énergétique et en restant dans le cadre des objectifs fixés par l'accord de Paris."
Nokia et Ericsson, des concurrents partenaires
L’Europe, qui a pris tardivement le tournant de la 5G, ne veut pas commettre la même erreur avec la 6G. Elle a donc lancé deux projets, Hexa-X et Reindeer, qui vont durer respectivement deux et trois ans, l'un très général et l'autre axé sur les antennes. Tous deux sont pilotés par des consortiums public-privé, impliquant Nokia et Ericsson, des acteurs institutionnels, des industriels, des organismes de recherche et des opérateurs, dont Orange dans le cas de Hexa-X. Ensemble, ces acteurs sont chargés de définir une feuille de route pour faire de l’Europe le leader technologique sur la 6G.
"Nous sommes dans le bon timing", estime Viktor Arvidsson, qui refuse l'opposition avec Huawei. "C'est important d'avoir des projets collaboratifs. On ne veut pas courir contre un adversaire mais avec des partenaires. Il y a de grands acteurs en Europe dans le numérique et les télécommunications", assire le directeur de la stratégie d’Ericsson France. De fait, Nokia et Ericsson, en concurrence sur un même marché, vont travailler ensemble dans cette première phase de développement, seul moyen pour l'Europe d'espérer concurrencer les projets chinois et américains.