Il nous plonge au cœur de la Silicon Valley. Vincent Martigny, politologue à l'école Polytechnique, a réalisé une enquête pour le magazine 1 en partant à la découverte de cette sorte de "nouveau monde californien", de San Francisco à San Jose. Invité dimanche dans l'émission C'est arrivé demain, il décrit cet univers d'entreprises ultra novatrices.
Portrait de la Silicon Valley. Onze sociétés sont créées par jour dans cette "valley". "On y invente toutes sortes de choses qui marchent souvent avec de la technologie, des applications", décrit Vincent Martigny. L'endroit est le "royaume des ingénieurs", un écosystème qui attire, et un lieu de recherche, aussi, notamment avec les universités Stanford et Berkeley. "C'est un système gagnant-gagnant. Vous avez plus de chance de monter votre entreprise rapidement dans un lieu où tout est fait pour vous aider à le faire." C'est aussi un lieu avec "beaucoup d'argent, beaucoup d’investisseurs et beaucoup de pépinières d'entreprises", ajoute Vincent Martigny.
"Montrer le pouvoir n'est pas très à la mode". On pourrait dès lors imaginer un univers de buildings de verre, d'espaces architecturaux ahurissants. Erreur. "La vraie surprise de ce voyage, c'est que la Silicon Valley, ça ne ressemble pas à grand-chose. Par exemple, le local de Facebook est immense mais pas très impressionnant." Malgré cet environnement somme toute quelconque, "il y a une puissance créatrice importante parce qu'il y a un héritage de la contre-culture où montrer à voir le pouvoir n'est pas très à la mode", à l'inverse de New York, par exemple. "On considère qu'on peut très bien réussir dans la vie avec un short et un sweat à capuche".
"Quelque chose de technologique qui soit cool". La Silicon Valley (du nom du silicium) s'est métamorphosée au cours du temps. Des radios ont succédé aux champs agricoles, "puis tout une culture militaire" s'est installée. Car les Etats-Unis étaient censés se protéger à l’ouest d'une possible invasion japonaise pendant la Seconde guerre mondiale. Puis la contre-culture est arrivée, véhiculant l'anti-capitalisme d'une part, et des communautés qui souhaitaient éviter le politique d'autre part, des communautés "qui par le rock et la drogue pouvaient se libérer, mais aussi par la technologie."
Plus étonnant, "il y a eu une rencontre entre la contre-culture et l'industrie militaire." Par exemple, Steeve Wosniak et Steeve Jobs, les fondateurs d'Apple, se fournissaient auprès de la grande entreprise militaire de la Silicon Valley, notamment pour créer les puces de leurs ordinateurs. "L'invention d'Apple, c’est deux jeunes gens qui disent à des contractants militaires 'et si on inventait quelque chose de technologique qui soit cool ?'."
"Le cool de plus en plus de façade". Le "cool" date des années 80, mais le tableau s'est depuis obscurci, relève le politologue, notamment parce que la recherche du bien public est loin d'être la première considération du site : "Il n'y a pas vraiment d'espace public. Ce sont des espaces privés collés les uns aux autres. Avec très peu de transports en commun et peu de routes. Le cool est de plus en plus de façade. Avant tout, c'est la recherche du profit, la capitalisation et l’optimisation fiscale."
Pis, peut-être, on y voit vivre des hommes et des chiens, dit-il mais peu de familles : "l'afflux d'ingénieurs de la tech' fait que le prix du foncier est un des plus chers de la planète. Les appartements et l'éducation sont très chers." Et le site perd petit à petit son statut unique. Toujours performant, il est concurrencé par d'autres grands espaces technologiques, notamment en Inde, en Chine ou encore en Israël.