Le gouvernement passe la seconde sur la 5G. Malgré la publication d'une tribune signée par 70 élus réclamant un moratoire sur cette technologie, Emmanuel Macron s'est montré ferme lundi. "La France va prendre le tournant de la 5G parce que c'est le tournant de l'innovation", a assuré le Président en ironisant sur ceux qui préféreraient "le modèle Amish" et le "retour à la lampe à huile". Mardi, l'exécutif a doublé la mise en publiant un rapport commandé avant l'été sur "les aspects techniques et sanitaires du déploiement de la 5G". Rapport qui souligne la nécessité de développer ces nouveaux réseaux et affirme que les risques pour la santé sont, dans l'immédiat, inexistants. "C'est aller un peu vite en besogne", dénonce sur Europe 1 Stéphen Kerckhove, délégué général de l'association Agir pour l'environnement.
"On est inquiet de l'attitude des pouvoirs publics qui versent un peu dans l'agression permanente, verbale dans le cas du chef de l'État", déplore Stéphen Kerckhove, favorable, lui, à un moratoire sur la 5G. "C'est une décision unilatérale du gouvernement alors même que nous réclamons depuis un an, en vain, une étude d'impact rigoureuse à ce sujet. Jupiter doit faire l'effort d'un décrochage local de temps en temps. Il y a une hostilité de l'opinion publique et de maires de grandes agglomérations", souligne le délégué général d'Agir pour l'environnement.
Un rapport "curieux"
Rassurer les élus et les citoyens, c'est pourtant le but d'un rapport, remis ce matin à Bercy et réalisé par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des finances (IGF). Ce texte, qui servira de littérature de référence pour la feuille de route du gouvernement sur la 5G, fait trois constats. D'abord, la 5G est une technologie dont on pourra difficilement se passer. Avec l’explosion du trafic Internet, les réseaux 4G seront saturés d’ici à deux ans. Il faut donc passer à l’étape d’après. Ensuite, la France est en retard. Elle fait partie des cinq pays, sur les 26 étudiés dans le rapport, qui n’ont pas encore lancé d’offre commerciale de 5G.
Décryptage >>5G : ce que dit le rapport remis au gouvernement
Le troisième point est le plus intéressant dans le débat actuel : selon le rapport, les fréquences 5G ne présentent pas de danger pour la santé dans l'immédiat. Stéphen Kerchkove écarte cette conclusion d'un revers de main. "Ce rapport est assez curieux. Il prend le contre-pied des agences qui travaillent sur le sujet. L'Agence nationale des fréquences (ANFR) mène des expérimentations sur la 5G qui démontrent une augmentation de l'exposition liée à l'arrivée de la 5G de l'ordre de 30%", assure-t-il. "L'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) est aussi en train de travailler. Je ne vois pas comment ces inspecteurs peuvent tirer des conclusions alors que l'expertise est en cours."
Débat sur les risques de la 5G pour la santé
De fait, les conclusions des agences nationales françaises seront publiées dans les prochains mois et viendront compléter le rapport rendu mardi qui s'appuie, lui, sur les études sanitaires menées dans les pays où la 5G est déjà une réalité. Par exemple, en Corée du Sud, pays très avancé sur la 5G. Dans le centre ville de Séoul, l’exposition aux ondes est équivalente à 2% de la norme acceptable. Mais les auteurs soulignent aussi la nécessité d'évaluer à plus long terme l'effet des fréquences plus élevées qui porteront la 5G. "Si on attend le dernier moment pour prendre des mesures de précaution, on va attendre longtemps", se désespère Stéphen Kerchkove.
Et l'opposant de penser que ce rapport, "qui lave la 5G de tous soupçons (…) arrive à point nommé pour justifier l'attribution des fréquences que le gouvernement s'apprête à accorder aux opérateurs" fin septembre. Étape qui marquera le lancement concret de la 5G juste avant l'arrivée d'offres commerciales chez les opérateurs.