Le P30 est-il le smartphone qui fera passer Huawei devant Samsung aux yeux du grand public ? "C’est possible", assume-t-on au sein du groupe chinois. Tout juste passée deuxième vendeur de téléphones dans le monde devant Apple, la marque chinoise ne cache plus ses ambitions. Dans un contexte tendu sur fond de soupçons d’espionnage industriel au profit de Pékin, Huawei a lancé vendredi le P30 et le P30 Pro, ses nouveaux téléphones haut de gamme, destinés à lui faire franchir un cap et à installer la renommée de la marque à l’international. Après une semaine de prise en main, Europe 1 vous livre ses impressions.
Modèle testé : Huawei P30 Pro, 256go, couleur Aurora
Un appareil photo de pro au creux de sa main
Ce n’est pas nouveau, Huawei est désormais LA référence en matière de photo mobile. Mais la marque de Shenzhen repousse une nouvelle fois ses limites. Le P30 Pro est ainsi doté de quatre capteurs à l’arrière, toujours conçus par Leica : un appareil photo 40 mégapixels, un ultra-grand angle de 107 degrés (c’est moins que les 123 degrés du S10 de Samsung), un téléobjectif de 8 mégapixels incluant un zoom optique x5 unique sur le marché et enfin un capteur ToF ("Time of Flight") dédié à la perception de la profondeur.
L’ensemble de ces capteurs permet de réaliser des photos splendides, extrêmement lumineuses et détaillées. Mais la vraie nouveauté vient du téléobjectif. Derrière le capteur carré se cache en fait un jeu de miroirs miniaturisé permettant de zoomer très loin sans perdre en qualité. Le zoom optique x5 est bluffant : on peut capter nettement des détails à plusieurs dizaines de mètres. Le P30 Pro propose aussi un zoom hybride x10 (mi-optique, mi-numérique) qui impressionne par sa netteté. Il est enfin possible de zoomer jusqu’à x50, du jamais-vu sur un téléphone. Le résultat est très flou mais peut servir pour les objets à peine discernables dans le lointain, un peu comme pour des jumelles.
(Ci-dessus, un exemple de photo zoomée x20)
L’autre innovation du P30 Pro est plus technique. Le fabricant chinois a décidé de remplacer les traditionnels quatre filtres de couleurs rouge-vert-vert-bleu par un quatuor inédit rouge-jaune-jaune-bleu. Le résultat se voit notamment sur les photos de nuit puisque le P30 Pro capte 40% de lumière en plus par rapport au P20 Pro. On obtient ainsi des photos nocturnes très lumineuses. Dans des environnements bien éclairés, comme en ville, on a même l’impression d’être en plein jour. Sur la photo ci-dessous, les chaises et les plantes étaient à peines visibles à l’œil nu sur cette terrasse sans éclairage.
On peut cependant continuer à faire à Huawei les mêmes reproches que ceux adressés au P20 Pro, notamment sur le réalisme des photos. Ainsi va des photos de nuit. En poussant à fond les possibilités du P30 Pro, il est possible de faire apparaître de la lumière là où il n’y en a pas. Cela donne bien sûr des photos splendides mais cela se fait au détriment du naturel. Un défaut toutefois peu dérangeant dans la mesure où il est possible d’activer et désactiver l’ensemble des aides du P30 Pro comme bon nous semble. Il s’agit simplement de prendre le temps de maîtriser toutes les subtilités de l’appareil photo pour s’en servir correctement.
Un design élégant et original
Avec le P30 Pro, l’écart qui sépare Huawei de Samsung et Apple se réduit considérablement. À commencer par son design très élégant. Le P30 Pro se distingue par un écran incurvé de 6,47 pouces très agréable (6,1 pouces non incurvé pour le P30), tout juste interrompu par l’encoche du capteur photo avant, placée en haut au centre. Les puristes noteront tout de même les fines bandes noires en bas et en haut, plus visibles que sur le Galaxy S10 de Samsung, mais moins que sur les iPhone XR et XS. À l'arrière, le bloc des capteurs photo est un peu imposant.
Ceux qui veulent se démarquer seront également séduits par les couleurs du P30 Pro. En plus d’un noir trop classique et d’un blanc perle élégant, son dos en verre se décline en trois teintes irisées : "Breathing crystal" (bleu-violet), "Amber sunrise" (rouge orangé) et "Aurora" (bleu-vert). Trois coloris de toute beauté, surtout en pleine lumière, et qui renvoient les iPhone et les Samsung Galaxy S10 à leurs études. À noter que le P30 est également disponible dans ces cinq couleurs.
Des caractéristiques techniques plus qu’honnêtes
Puissance et fonctionnalités : tels ont longtemps été les points faibles des smartphones Huawei. Un temps révolu puisque la marque chinoise tutoie désormais les meilleurs dans ces deux domaines, ou presque. Huawei dispose de son propre processeur, le Kirin 980, et de 8Go de mémoire vive. Concrètement, cela se traduit par une fluidité appréciable. Les applications s’ouvrent instantanément et les jeux tournent bien. En revanche, l’interface fait un peu trop "jouet", pas à la hauteur de l’élégant design du téléphone. Par ailleurs, nous avons connu quelques bugs de l’écran obligeant à redémarrer le P30 Pro.
On salue aussi l’écran, très lumineux et qui dispose d’un mode "confort des yeux" pour réduire visiblement les lumières bleues nocives. Quant au capteur d’empreinte, il est bien placé et très efficace, bien plus en tout cas que le capteur ultrasonique frustrant du Samsung Galaxy S10. Cependant, le P30 Pro souffre du défaut logiciel pour l’instant irrésolu des écrans incurvés : utilisé à une main, on se retrouve souvent à déclencher des applications ou des balayages de l’écran avec la paume de sa main. On s’y habitue mais cela peut parfois être énervant. On salue cependant son écran
Autre grosse satisfaction : l’autonomie. Même lors de journées à rallonge (plus de 18 heures), nous n’avons jamais été pris de court. L’utilisation classique du P30 Pro, avec musique en Bluetooth, Internet en wifi, usage intensif de Messenger, Twitter, Instagram, Messenger, plusieurs courts appels passés et quelques vidéos visionnées sur Youtube, pèse peu sur la batterie. Reste à savoir si l’autonomie des nouveaux téléphones Huawei résistera à l’épreuve du temps, le véritable juge de paix de ces modèles haut de gamme qui ont vocation à servir plusieurs années.
Le P30 Pro intègre également la recharge ultra-rapide permettant d’obtenir 70% de batterie en 30 minutes de charge. Pour une charge totale, comptez moins d’une heure. On ne fait pas mieux actuellement. À noter aussi la recharge sans fil rapide et la recharge sans fil inversée qui permet de recharger des téléphones ou des accessoires connectés en les posant sur le dos du P30. Une fonctionnalité bien pratique que nous avions déjà pu tester sur le Galaxy S10.
Huawei égale aussi Samsung et Apple… sur le prix
Dans la catégorie haut de gamme, le P30 Pro n’est donc pas loin d’être le smartphone parfait. Mais tout cela a un prix : 999 euros pour la version 128Go, 1.099 euros pour le 256Go et 1.249 euros pour le 512Go. Soit la même gamme de prix que le S10+, le concurrent direct dévoilé par Samsung quelques semaines plus tôt. Si nous devions choisir entre le P30 Pro et le S10+, nous pencherions plutôt pour le Huawei qui l’emporte aux points grâce à sa photo et son autonomie.
Reste que mettre 1.000 euros dans un téléphone, aussi bon soit-il, c’est (très) cher. Le bon compromis pour les amateurs de photo peut être de se tourner vers le P30. Disponible uniquement avec 128Go de stockage au prix unique de 799 euros, le petit frère du P30 Pro lui tient la dragée haute. Sans écran incurvé mais plus compact avec sa diagonale de 6,1 pouces, il se révèle aussi puissant et pratique à l’usage. Seule concession à faire, sur l’appareil photo : le zoom optique du P30 est moins performant que celui du P30 Pro (x3 au lieu de x5) et le quatrième capteur, dédié à la profondeur, est absent. Pour 200 euros de moins, c’est tout à fait honnête.
Verdict : Huawei bouscule les "grands"
Si vous n’êtes pas passionné par la photo ou que ce n’est pas l’usage principal que vous faîtes de votre téléphone, passez votre chemin. La complexité de l’appareil photo du P30 Pro risque de vous effrayer. Si, au contraire, vous cherchez un téléphone complet, puissant et capable de prendre des photos dignes d’être accrochés dans votre salon, alors le P30 Pro est fait pour vous. En revanche, ceux qui considèrent encore Huawei comme une marque accessible à tous vont devoir se faire à l’idée que, désormais, le haut-de-gamme, même chinois, se paye au prix fort.