"Si l'Europe n'est pas présente dans l'intelligence artificielle (IA), elle sera écrabouillée sur le plan scientifique, économique et militaire". Invité d'Europe 1 bonjour jeudi, alors qu'Emmanuel Macron s'apprête à rendre public sa stratégie française pour le développement de l'IA, Laurent Alexandre tire la sonnette d'alarme : "la France et l'Europe sont inexistants sur l'IA". Toutefois, pour le spécialiste de l'intelligence artificielle, chirurgien et essayiste, "il est possible que la France retrouve une place si l'intégralité du rapport Villani [présenté mercredi, nldr] est appliqué".
Un retard certain. "Le retard est considérable : nous avons laissé à la Chine et aux Etats-Unis le monopole de l'intelligence artificielle", déplore Laurent Alexandre. Aujourd'hui, elle est entre les mains des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et des BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi), les GAFA chinois. "Si nous ne réagissons pas, nous allons finir comme une colonie technologique dans les mains des géants du numérique sino-américains", déplore le spécialiste. "Si rien n'est fait, nous allons devenir un nain géopolitique" résume-t-il. "Prenez Tencent par exemple, c'est la cinquième plus grosse entreprise mondiale, elle vaut 550 milliards ! C'est vingt fois plus que nos belles entreprises du CAC 40". "Nous n'avons pas vu émerger ces pivots de l'économie mondiale", analyse le chirurgien.
L'IA pour dominer le monde ? Le retard de la France sur l'intelligence artificielle peut également devenir un problème politique et militaire. A l'instar de Vladimir Poutine qui a affirmé que "celui qui dominera l'IA, dominera le monde", "le président chinois a déclaré que la Chine va devenir le numéro un mondial de l'IA pour devenir numéro 1 dans les autres domaines", rappelle Laurent Alexandre. "Si vous n'êtes pas leader dans l'IA, les autres bloqueront vos missiles, vos armes. Vous ne pourrez même pas combattre, vous serez battu par la guerre de l'intelligence artificielle avant même d'avoir pu commencer la guerre traditionnelle".
Un meilleur salaire et une meilleure formation. Mais comment la France peut-elle rattraper ce "retard considérable" ? Cela commence par "arrêter la fuite des cerveaux", explique l'expert. "Les GAFA et les BATX payent leurs chercheurs en IA des centaines de milliers d'euros, voire des millions". "Il faut des conditions salariales intéressantes pour nos chercheurs et leur donner la même situation qu'en Chine et aux Etats-Unis", prône l'essayiste. Au-delà des salaires se pose aussi la question de la formation. "Il faut rassurer les Français en modernisant la formation et l'éducation". "Mais la tâche va être longue et compliquée", prévient Laurent Alexandre. Quant à la destruction des emplois entraînée par l'intelligence artificielle, "c'est une question à laquelle nous n'avons pas encore répondu", admet-il.