La France va sortir le carnet de chèque pour développer l'ordinateur du futur. En déplacement sur le campus de Saclay, en région parisienne, jeudi, Emmanuel Macron va dévoiler la "stratégie quantique" de la France. Dans l'un des plus grands centres de recherche du pays, le président de la République va détailler un plan sur cinq ans pour développer l’ordinateur quantique, nouveau genre de supercalculateur qui fait saliver les chercheurs du monde entier. "La France n'est pas en retard mais si on ne prend pas le train dès maintenant, on le sera", fait savoir l'Élysée, qui veut tout faire pour garder la main sur une technologie "stratégique".
Un ordinateur pour entrer dans le futur
L’Élysée vise la place de numéro 3 mondial de la recherche quantique, derrière les États-Unis et la Chine, qui dépensent déjà des fortunes dans ce domaine. Pour y parvenir, un plan stratégique sur cinq ans est sur la table, avec une enveloppe totale de 1,8 milliard d'euros. L'État contribuera à hauteur d'un milliard d'euros, soit 200 millions par an jusqu'en 2025, contre 60 millions aujourd'hui. La moitié des crédits passera par le biais du Programme d'investissements d'avenir, l'autre via les organismes de recherche comme le CNRS, le CEA et l'Inria.
Objectif : accélérer la conception de l’ordinateur quantique, présenté par Cédric O, le secrétaire d'État au Numérique, comme la "nouvelle frontière technologique". Ce supercalculateur utilise les règles de la physique quantique pour effectuer des opérations de calcul en parallèle. Résultat, il va beaucoup plus vite qu’un ordinateur classique et peut réaliser des simulations à grande échelle et d'une précision inédite. Les applications sont multiples : biologie moléculaire, fission nucléaire, analyse financière, prévisions météo, télécommunications, cryptage et décryptage des codes ou encore conception des médicaments.
Alliance entre l’État, la recherche et les entreprises
Pour effectuer ces calculs, l'ordinateur quantique n'utilise pas les bits des ordinateurs traditionnels, représentés par des 0 et des 1, mais des qubits, des bits quantiques. Sauf que tout cela est encore théorique. En effet, matérialiser un ordinateur quantique est extrêmement complexe. Les qubits ne fonctionnent que dans un environnement cryogénique, où la température doit être proche du zéro absolu, soit -273 degrés Celsius. Quelques projets sont avancés, notamment chez Google qui a tutoyé en 2019 la "suprématie quantique", mais il s'agit pour l'instant de simulateurs quantiques et non d'ordinateurs à proprement parler.
Pour concrétiser ce projet, l’Élysée mise sur une alliance entre l’État, la recherche et les entreprises. Les industriels, notamment Atos, Thales et Air Liquide, et des fonds d'investissement, vont financer les avancées à hauteur de 550 millions d’euros. L’Union européenne, elle, ajoute 200 millions. Au total, la France mobilise donc 1,8 milliard d’euros sur cinq ans, une somme à la hauteur des attentes. "Le potentiel est considérable. Les ordinateurs quantiques vont bouleverser la façon de faire des simulations d’ici cinq à dix ans", indique-t-on à l'Élysée.
Des millions pour attirer les meilleurs scientifiques
Le plan stratégique, qui doit permettre à la France d'atteindre une "souveraineté technologique" dans la recherche quantique, connaîtra plusieurs étapes. D'abord, 350 millions d'euros permettront de progresser sur les simulateurs quantiques et d'apprivoiser les calculs quantiques. Puis, 430 millions supplémentaires viseront à développer un "ordinateur parfait" made in France. "On a démarré la recherche dans ce domaine dans les années 1980. Aujourd'hui, on a des laboratoires de pointe et plusieurs prix Nobel de physique quantique", avance l'Élysée.
Les talents sont justement un élément-clé du plan. "Les carrières dans la recherche française souffrent d'un manque d'attractivité", reconnaît-t-on à l'Élysée. Alors que les GAFA sont aussi dans la course, il faut convaincre les meilleurs scientifiques de venir travailler en France sur l'ordinateur quantique. Une partie des crédits sera affectée au financement d'une centaine de bourses de thèses, une cinquantaines de contrats post-doctoraux et une dizaine de chercheurs de très haut niveau, venus de France et de l’étranger.