"La ville intelligente ce n’est pas la ville big brother tout numérique". Alors que de nombreux films de science-fiction ou des jeux vidéo réalisés ces dernières années ont pu donner une image de ville ultra-connectée et pas obligatoirement réjouissante, Fabien Cauchi, directeur du cabinet Metapolis, spécialisé dans la domaine, résume la vision d’une bonne partie des responsables de projet dans les métropoles françaises. "Je suis convaincu que si on imagine la ville en la pensant d’abord et uniquement avec le numérique, cela n’aura aucun sens et ne servira aucun projet", abonde Luc Belot, ancien député PS et auteur d’un rapport sur le sujet.
Une ville participative…
Mais alors qu’est-ce qu’une ville intelligente ? De plus en plus de métropoles se penchent sur la question. De Rennes à Nice en passant par Nantes, tous les responsables de ces projets la voient d’abord comme une ville qui doit remettre le citoyen au centre de sa conception. "Plutôt que smart city ou ville intelligente, je préférerai qu’on parle de ville participative", explique à Europe 1 Norbert Friant, responsable du projet pour la métropole de Rennes. "La smart city ce n’est pas une ville où l'on met plein de capteurs connectés, c’est une ville plus vivable, moins polluante, dans laquelle on donne sa place à l’usager", complète Fabien Cauchi.
Pour y arriver, toutes les villes n’ont pas opté pour les mêmes solutions. Nantes a ouvert un "City Lab" dans lequel les équipes de la ville, aidées par des start-up, testent des projets à l’échelle 1. "Cela nous permet de tester de vrais projets et d’expérimenter", se félicite Francky Trichet, adjoint à la maire de Nantes, en charge de ces questions. Parmi les expérimentations déjà menées : la mise en service d’une navette totalement autonome, sans conducteur, alimentée par une route photovoltaïque et capable d’ouvrir une barrière automatique. "Grâce à ces expérimentations, nous pouvons voir si les habitants sont prêts à utiliser ce type de navette. Avant de lancer une technologie, il faut obligatoirement la confronter aux vrais usages", prévient-il.
A Rennes, la métropole organise régulièrement des "hackatons", ces marathons de quelques heures ou d’un week-end lors desquels les citoyens sont invités à essayer de trouver une solution sur un problème concret. "Nous mixons différentes communautés, des créatifs, des ingénieurs, des étudiants… pour produire au service du territoire", précise Norbert Friant.
… qui résout les problèmes
En associant les citoyens au projet, la ville intelligente viendra résoudre des problèmes que rencontrent les habitants au quotidien. Les projets peuvent donc varier largement d’un territoire à l’autre. "Au Havre, les enjeux de mobilité (souvent cités comme premier exemple dans les villes intelligentes, ndlr) ne sont pas au cœur des problématiques, tout comme à Mulhouse où il y a quelques problèmes de congestion, mais ce n’est pas le cœur du sujet", indique Luc Belot. "Un enfant qui naît à Dunkerque a une espérance de vie de dix ans inférieure à la moyenne nationale. Demain, préserver la planète, moins polluer, c’est aussi rentrer dans ces logiques de smart city", poursuit l’ancien député, désormais à la tête de HUB5, une entreprise qui aide les villes sur les sujets liés à l’innovation.
Pour détecter les problèmes prioritaires, les données sont essentielles. "Avant de commencer à en récolter de nouvelles, les villes doivent réussir à exploiter et analyser correctement celles qu’elles ont à leur disposition", explique Fabien Cauchi. "Un jardinier de la ville a déjà plein de données : il sait quand les arbres sont coupés ou quand ils peuvent produire des allergies, une information que le service santé n’a pas forcément", précise Norbert Friant qui rappelle l’enjeu de l’open data (le libre accès aux données) pour faciliter la construction des projets.
Des projets pas encore aboutis
En France, les projets de villes intelligentes n’en sont encore qu’à leurs débuts. "Quand on part de ce constat d’une ville qui résout les problèmes, le nombre de villes intelligentes est assez limité", analyse Luc Belot. "Il y a plein de villes qui font des choses intéressantes, mais je ne connais personne qui m’a dit ‘je viens d’aller dans cette ville et c’est génial cette smart city’. La vie des uns et des autres n’est pas changée par la smart city", résume-t-il.
La tendance s’est cependant accélérée ces derniers mois. "2018 est une année de bascule pour des raisons de maturité des technologies et de politique avec les élections municipales qui arrivent. Des dispositifs ont également été mis en place par l’État comme le programme action cœur de ville ou celui sur les territoires d’innovation de grande ambition. D’ici 2020, cela devrait permettre la mise en place à une stratégie claire", conclut Fabien Cauchi.