Si l'avènement d'Internet a été l'événement des 30 dernières années, les 30 prochaines devraient être consacrées à une nouvelle révolution technologique : celle de l'intelligence artificielle. Avec les machines capables de conduire des voitures ou de faire des diagnostics médicaux, ces technologies en sont encore à leurs débuts. Mais certains pays tentent de prendre de l'avance, à commencer par les États-Unis et la Chine.
L'intelligence artificielle, un secteur d'avenir
Yann LeCun, un Français pionnier. Comme pour l'informatique, comme pour Internet, les États-Unis veulent mener la prochaine révolution technologique, comme on peut le constater notamment à New York où se trouve le correspondant d'Europe 1. C'est là que l’on trouve, par exemple, l'un des pionniers de l'intelligence artificielle : le Français Yann LeCun, 58 ans. Il a développé le "deep learning" ("apprentissage approfondi" en français) qui permet aux machines d'apprendre toutes seules pour traduire des textes ou encore reconnaître des visages sur des photos.
"Cela va changer le monde", prévoit déjà Yann LeCun. "Cela va changer la manière dont on fait beaucoup de choses. Si toutes les voitures se conduisent toutes seules, cela va changer la manière dont on organise les villes par exemple. Si la télé-présence par réalité virtuelle apparaît, cela va changer la nature des interactions entre les gens. Ils vont peut-être moins voyager pour le boulot parce qu'ils pourront être présents virtuellement dans une autre pièce. Il y aura aussi des changements au niveau du gouvernement pour prévenir des demandes, au niveau de la santé publique en analysant ce qu'il se passe dans les égouts par exemple."
Un nouveau terrain de compétition entre grandes puissances
Et des "choses comme ça", selon la formule de Yann LeCun, il y en a à l'infini ou presque et chacun en est conscient. Aux États-Unis, l'expert français bénéficie de deux soutiens de taille. Il est à la fois le patron de la recherche sur l'IA à Facebook, qui emploie 500 personnes, et le créateur d'un laboratoire et d'un master à l'Université de New York (NYU).
Mais les États-Unis ne sont pas seuls dans cette course aux enjeux bien plus vastes. Vladimir Poutine l'a dit lui-même : "celui qui sera leader en intelligence artificielle dominera le monde." Le président chinois Xi Jinping a d'ailleurs assuré que son pays serait numéro un de l'IA d'ici 2030.
La Chine, l'autre pays dans la course...
La Chine s’est éveillée à l'intelligence artificielle à un moment très précis, raconte Yann Lecun, le jour où un programme créé par des Occidentaux a battu l’un des meilleurs joueurs du monde au jeu de go, les échecs asiatiques. "En Chine, le go est un élément culturel très important, pratiquement une religion. Donc cela a été un choc. Ça a galvanisé les forces à la manière dont Spoutnik [la fusée soviétique qui a envoyé le premier satellite dans l'espace] a galvanisé les Américains dans la conquête de l'espace. Donc le gouvernement investit massivement."
Et cet engouement ne touche pas seulement les élites. "Au niveau populaire, de même que la course à l'espace était un sujet sur toutes les lèvres dans les années 1960 aux États-Unis, il y a en Chine un peu la même chose pour l'intelligence artificielle", observe Yann LeCun. "Shanghai est l'une des rares villes dans le monde où je suis reconnu dans la rue", s'amuse-t-il.
... qui a déjà un temps d'avance
Les capacités d'investissement de la Chine dans l'IA sont très importantes. Par exemple, la ville de Tianjin, qui n'est pas la plus grande du pays, a annoncé un investissement de 14 milliards d’euros, soit dix fois plus que le budget prévu par Emmanuel Macron pour la même technologie en France.
Si on ne sait pas qui des États-Unis ou de la Chine dominera l'IA et donc le monde (selon la prédiction de Vladimir Poutine), il y a un domaine dans lequel les Chinois sont en train de prendre de l’avance : celui des puces électroniques qui vont permettre à l’IA de fonctionner. On retrouvera bientôt partout ces mini réseaux de neurones artificiels. Ces puces, les Chinois les fabriquent déjà moins chers. Et s'ils dominent le marché un jour, cela posera forcément des questions sur le contrôle de la vie privée. Déjà aujourd'hui, les États-Unis et la Chine s'affrontent autour de Huawei, le géant des smartphones, soupçonné d'espionnage pour le compte de l'État chinois.
Des cerveaux européens mis à profit à l'étranger
Quant à l'Europe, elle est à la traîne parce qu'elle n'a pas la puissance d'investissement du gouvernement chinois ou des géants de la tech américains. Il y a bien des chercheurs très bien formés en Europe, mais ils sont trop mal payés, en France notamment, d’où une fuite des cerveaux, comme l'illustre parfaitement le cas de Yann LeCun.