C'est un jeu, qui en quelques jours, suscite un engouement sans précédent. "Pokémon Go" est déjà un phénomène de société alors que l'application de Nintendo n'est même pas encore téléchargeable en France. Aux Etats-Unis, selon le cabinet SensorTower, elle a déjà été installée 7,5 millions de fois et génère 1,6 million de dollars (1,4 million d'euros) de recettes par jour sur iOS. Le principe ? Attraper des Pokémons mais dans notre environnement de tous les jours. Une formule toute simple donc. Alors comment expliquer ce (futur et déjà) grand succès ? Europe 1 a interrogé des sociologues, des psychanalystes et psychologues qui travaillent sur les jeux vidéo.
Pokémon, un jeu mythique. Premier ingrédient incontestable de l'application : Pokémon. "Le succès du jeu ne m'étonne pas parce que Pokémon, c'est un mythe. Il y a des générations de jeunes qui ont été biberonnées avec", explique à Europe 1 Michael Stora, psychologue et psychanalyste et co-fondateur de l'OMNSH (Observatoire des mondes numériques en sciences humaines). "Pokémon est une énorme franchise et ce depuis la fin des années 90", renchérit Vincent Berry, sociologue des jeux vidéo. "C'est une des licences parmi les plus importantes chez les enfants. Bref, "avec Pokémon, il y a un effet madeleine de Proust", souligne de son côté Yann Leroux, psychologue et psychanalyste.
Le mobile, la nouvelle console. Autre ingrédient du succès : l'utilisation (enfin) du mobile, comme support du jeu. "Nintendo a bien saisi qu'il fallait passer au mobile, c'est la première plateforme pour les jeux", détaille Michael Stora. "Avec le mobile, on passe du côté du 'casual gamer'", c'est-à-dire du joueur plus occasionnel. Le psychologue rappelle ainsi que "dès la 6eme, plus de 80% des collégiens ont un portable".
Le premier (gros) succès de réalité augmentée. Mais, surtout, Pokémon Go est "l'un des tous premiers jeux de réalité augmentée qui a un énorme succès", assure Yann Leroux. "Normalement, l'univers du jeu et celui de la réalité sont distincts. Sauf qu'avec le numérique, ce cercle magique de l'univers du jeu a peu à peu été attaqué. Mais, là, c'est un coup de sabre…", analyse-t-il. "On se retrouve à jouer avec le réel, c'est du ludique dans la réalité", abonde Michael Stora. "Bref, tous les ingrédients pour un très grand succès sont réunis", résume-t-il.
Ceux qui sont plus sceptiques. Mais ce succès sera-t-il durable ? Passera-t-il l'été ? C'est toute la question. Et si certains spécialistes sont assurés de sa longévité, d'autres doutent clairement. "C'est un épiphénomène", tranche Laurent Trémel, sociologue. "C'est une opération de communication des industriels et puis il faut se méfier des chiffres de téléchargement qui sont communiqués. Ce n'est pas parce que les gens téléchargent qu'ils y jouent". Le sociologue Vincent Berry est moins tranché mais il met en garde contre "un effet d'enchaînement" : "il y a probablement un succès mais qui est aussi rendu visible par les réseaux sociaux et les médias".