Et si on positivait un peu ? Évidemment, le fond de jeu proposé par les Bleus lors de leurs trois premiers matches de Coupe du monde est loin d'être emballant, à l'image de la purge moscovite offerte mardi face au Danemark (0-0). Mais tout n'est pas à jeter dans ce qu'a présenté l'équipe de France lors de cette phase de groupe, tant au niveau collectif qu'individuel. Avant de se frotter à l'Argentine, samedi à Kazan, en huitièmes de finale, la troupe de Didier Deschamps a même déjà quelques certitudes.
En défense, tout va bien. C'est le gros point positif de ce début de Mondial. Mine de rien, sur le plan défensif, les Bleus ont stoppé l'hémorragie diagnostiquée au début de l'année, avec trois buts encaissés contre la Colombie (3-2), un contre la Russie (3-1), et deux en préparation - l'un face à l'Italie sur un coup franc mal repoussé par Lloris (3-1), l'autre contre les États-Unis (1-1), suite à une bourde de Djibril Sidibé et un angle mal fermé par le même Lloris.
Dans ce Mondial, comme en 1998, ils n'en ont concédé aucun dans le jeu. La seule fois où les filets ont tremblé, c'était sur penalty, face à l'Australie (2-1). Mieux, ils ont à peine concédé une occasion par match : un coup franc australien prolongé par Tolisso et sorti par Lloris, un face à face remporté par le portier de Tottenham face au Péruvien Paolo Guerrero et, outre une demi-occasion danoise, un coup franc capté en deux temps par Steve Mandanda.
Le patron de cette arrière-garde, Raphaël Varane, l'avait d'ailleurs rappelé avant le départ pour le pays des tsars : "Notre objectif, c'est d'être d'abord solide. Ça doit être ce que représente l'équipe de France : un adversaire nous voit jouer et se dit 'attention cette équipe, c'est solide'". C'est sans doute ce que doit penser Lionel Messi, qui ne connaît que trop bien des joueurs comme Samuel Umtiti, son partenaire au Barça, ou les Madrilènes Raphaël Varane (Real) et Lucas Hernandez (Atlético), dont il se méfie beaucoup.
Plusieurs joueurs au niveau et une révélation. Ils sont quelques-uns à qui il est très difficile de reprocher quoi que ce soit depuis le début de la compétition. Hugo Lloris en fait évidemment partie : le capitaine, désormais centenaire en sélection, a été irréprochable sur les quelques interventions qu'il a eu à effectuer. N'Golo Kanté a quant à lui irradié au milieu de terrain, en étant l'un des rares à se mettre en évidence face à l'Australie, avant d'impressionner face au Pérou (1-0) et de lever un peu le pied contre le Danemark. Dans l'entrejeu, le joueur de Chelsea a d'ailleurs bien été aidé par Paul Pogba. Malgré les critiques régulières émises à son égard, la "Pioche" a été au rendez-vous lors des deux premiers matches. Il est même à l'origine de tous les buts de l'équipe de France jusque-là. Dont le dernier, inscrit par Kylian Mbappé.
Plus jeune buteur français dans un tournoi majeur, "Kyky" a certes encore une marge de progression mais semble aujourd'hui indispensable à l'attaque tricolore, au sein de laquelle il joue le rôle de dynamiteur, quand Olivier Giroud, avec toute son expérience, assure celui de pivot. Le grand barbu de Chelsea l'a d'ailleurs très bien fait contre le Pérou, prouvant ainsi à Didier Deschamps qu'il lui était essentiel.
La vraie bonne surprise, elle, s'appelle Lucas Hernandez. Le latéral gauche des Bleus, dur au mal, a fait étalage de toutes ses qualités, tant défensives (contre l'Australie surtout) qu'offensives (notamment contre le Pérou). Rafraîchissant, au point d'être devenu dans l'esprit du sélectionneur et de tout le pays le titulaire indiscutable à son poste. N'en déplaise à Benjamin Mendy.
Autre motif de satisfaction : Nabil Fekir, seul remplaçant ou presque à avoir donné des garanties sur son engagement et sa capacité à mettre un peu de folie dans une équipe qui en manque cruellement. Cela dit, le Lyonnais devrait rester cantonné au banc de touche, en dépit des performances en demi-teinte d'Antoine Griezmann.
Griezmann ne peut que mieux faire. Car oui, "Grizou" n'est toujours pas rentré dans son tournoi, même s'il a marqué sur penalty contre l'Australie (2-1). En manque de jus, il a d'ailleurs été remplacé à chaque fois avant la fin du match.
La bonne nouvelle, c'est qu'Antoine Griezmann reste Antoine Griezmann. Son coéquipier de l'"Atleti" Lucas Hernandez, l'a lui-même rappelé : "Il ne faut jamais mettre en doute l'un des meilleurs joueurs du monde". Au début de l'’Euro 2016, l'attaquant avait aussi attiré les critiques sur son efficacité… Avant de terminer meilleur buteur (6 réalisations) et meilleur joueur de la compétition. "J'espère hausser mon niveau en huitièmes", a-t-il déjà aspiré. Nous aussi.
Les joueurs sont frais. Si Didier Deschamps a décidé de chambouler son onze de départ contre le Danemark, ce n'est pas pour faire plaisir à untel ou untel. Ce serait mal connaître le sélectionneur. "J'ai reposé des joueurs qui avaient joué les deux premiers matches, notamment parce qu'on va jouer dans quatre jours", a expliqué "DD" mardi soir. Seuls N'Golo Kanté et Raphaël Varane ont d'ailleurs disputé l'intégralité des trois rencontres.
C'est là l'un des avantages d'avoir obtenu la qualification dès le deuxième match, ce que n'a pas fait l'Argentine, qui a dû, pour s'en sortir, puiser dans ses ressources mentales et physiques. Jusqu'au bout.
Des adversaires plus joueurs. Jusque-là, la France ne s'est heurtée qu'à des blocs compacts, davantage mus par la peur de perdre que par l'envie de gagner. Or, cela ne sera plus possible à partir des huitièmes de finale. Parce qu'il paraît improbable qu'une équipe ne fasse le pari de tenir 120 minutes sans attaquer. Mais aussi parce que l'Argentine a bien plus de mal en phase défensive qu'en phase offensive.
Et cela pourrait faire l'affaire des Bleus, qui peuvent notamment s'appuyer en contre-attaques sur la vitesse d'un Kylian Mbappé, voire celle d'un Ousmane Dembélé, ou sur les longues transversales de Paul Pogba.
Le sélectionneur du Danemark, Age Hareide, a même troqué ses critiques du passé contre des éloges bienvenues, mardi soir après un 0-0 pourtant soporifique. "Les grands pays montent en puissance, et je pense que la France fera de même", a-t-il d'abord lancé, en évoquant un possible de titre pour les Bleus. Et de poursuivre : "On a vu leurs matches précédents, et à quel point ils étaient bons en contre. À chaque erreur de l’adversaire, la France l’a exploitée". Et des erreurs, l'Albiceleste en fera forcément.
Dans les discours des joueurs reviennent avec insistance cette volonté, cette ambition, cette faim de progrès. Et les promesses qui vont avec. "On est capable de bien mieux faire et on va le faire dès samedi", a ainsi juré Olivier Giroud mardi. On a tellement envie de le croire.