Vingt ans après, la France se prend à rêver : et si nos Bleus accrochaient une deuxième étoile à leur maillot et succédaient à la génération dorée de 1998 ? Mais la France n’est pas le seul pays à espérer rejouer la même partition. La Croatie, troisième de la Coupe du monde il y a vingt ans, se prend à imaginer un scénario similaire en Russie. Faciles vainqueurs du Nigéria au premier match (2-0), les Croates n'ont fait qu'une bouchée du supposé "gros morceau" du groupe D, l’Argentine (3-0), lors de leur deuxième match. Outsiders sans pression, les hommes au maillot à damier rouge et blanc peuvent s’appuyer sur un groupe expérimenté, porté par quelques joueurs de classe internationale.
Épopée fantastique. Pour les plus jeunes, ou ceux qui auraient oublié, la Croatie avait été la surprise de la Coupe du monde 1998. Pendant que tous les Français avaient les yeux rivés sur les Bleus, la Croatie était sortie deuxième de sa poule, puis avait éliminé la Roumanie et l’Allemagne championne d’Europe en titre pour se hisser jusqu’en demi-finale. Les coéquipiers de Davor Šuker, meilleur buteur de la compétition, avaient posé de gros problèmes à la France, ouvrant même le score avant de céder sur un doublé miraculeux de Lilian Thuram. Pas démobilisée, la Croatie a finalement chipé la médaille de bronze aux Pays-Bas de Bergkamp, Kluivert, Seedorf, de Boer et van der Sar.
Il n’est évidemment pas question de comparer la Croatie de 1998 et celle de 2018 : autre époque, autres joueurs. Mais on peut tout de même établir un parallèle dans la composition des deux équipes, toutes deux articulées autour de cadres solides (Zvonimir Boban, Davor Šuker et Slaven Bilić en 1998 ; Vedran Ćorluka, Luka Modrić et Mario Mandžukić en 2018) et boostées par des jeunes talentueux (Dario Šimić et Goran Vlaović en 1998 ; Mateo Kovačić et Marko Pjaca en 2018).
Un effectif solidaire et expérimenté. Si Ivan Rakitić a semblé un peu à côté de ses crampons contre le Nigéria, avant de se rattraper contre l'Argentine, son compère du milieu de terrain Luka Modrić, véritable star de cette équipe, a assumé ses responsabilités à deux reprises. Sans arrêt porté vers l’avant, distillant les passes dans les petits et les grands espaces avec une précision diabolique, le chef d’orchestre des Vatreni ("les Ardents") a déjà inscrit deux buts dans cette Coupe du monde, dont un splendide contre l'Argentine. A l’image d’un Cristiano Ronaldo au Portugal, Luka Modrić est capable d’emmener son équipe à la victoire avec ses seuls pieds.
Mais c’est bien connu, un homme seul ne suffit pas à gagner une Coupe du monde. Même Maradona, Pelé et Zidane étaient entourés de lieutenants talentueux et de coéquipiers solidaires. Or, l’autre atout de cette sélection croate, c’est la stabilité de son effectif. Sur les 23 joueurs présents en Russie, 17 étaient déjà de la partie à l’Euro 2016. Les amateurs de football s’en souviennent encore. Arrivés avec le statut d’outsider, les Vatreni étaient parvenus à sortir d’une poule très relevée (Turquie, Espagne, République Tchèque), s’offrant au passage une victoire de prestige contre les Ibères. Portés par le trio Modrić- Rakitić- Perišić, les Croates avaient offert trois matches de haute volée, avec un jeu dynamique, reposant sur le contrôle du ballon au milieu et des attaques foudroyantes sur les ailes. Mais le beau jeu de la Croatie avait cédé dès les huitièmes de finale face au pragmatisme des Portugais, futurs vainqueurs de l’Euro, qui ont crucifié les Croates à la 117ème minute.
Statut d'outsider. Une expérience douloureuse pour les Croates qui ont eu du mal à repartir de l’avant. Placés dans un groupe de qualification à leur portée, ils sont passés à deux doigts de la correctionnelle. Battus par la Turquie et l’Islande, les hommes au damier rouge et blanc ont terminé deuxième derrière les Scandinaves. Zlatko Dalic a alors repris en main la sélection pour assurer une place en barrage et qualifier la Croatie aux dépens de la Grèce. Moins percutants qu’il y a deux ans, les Vatreni misent désormais sur leur expérience pour faire la différence (27,4 ans de moyenne d'âge). Surtout, les Croates jouent libérés grâce à leur statut d’outsider.
Quelques doutes planent sur l'équipe. Sereine la Croatie ? Pas totalement. Les Croates ont un peu la tête ailleurs depuis quelques jours : l'attaquant Nikola Kalinić vient d'être exclu de la sélection après avoir refusé d'entrer en jeu (pour un problème au dos officiellement, qui ne trompe personne au pays : le joueur était mécontent de son statut de remplaçant). De plus, l'ombre de l'affaire Zdravko Mamic, l'homme fort du foot croate condamné à six ans et demi de prison pour corruption dans un procès où Luka Modric et Dejan Lovren ont comparu, plane sur la sélection. Mais ça ne s'est absolument pas vu contre l'Argentine.