A Strasbourg, le loup dans le viseur des Etats européens

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avec AFP/Crédits photo : LAURE BOYER / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
L'Europe va-t-elle faciliter l'abattage du loup? C'est ce qu'examineront mardi à Strasbourg les pays signataires de la Convention de Berne, suscitant l'appréhension de scientifiques et d'associations. 

Le comité permanent de la Convention, qui vise à assurer la protection des espèces sauvages, envisage de rétrograder le loup d'espèce "strictement protégée" à "protégée", suite à une proposition soumise fin septembre par l'Union européenne.

"Cela voudrait dire qu'on généralise à l'Europe ce que la France pratique déjà par dérogation, soit la possibilité de tirer sur des loups en fonction de règles à déterminer nationalement", résume pour l'AFP le directeur des programmes du WWF-France, Yann Laurans.

Des loups peuvent ainsi être tués pour protéger des troupeaux, dans des conditions très précises. Dans sa proposition, l'UE, qui assure se fonder sur "une analyse approfondie du statut" du carnivore sur son territoire, fait état d'une population grandissante, atteignant les 20.300 individus en 2023, pour la plupart dans les Balkans, les pays nordiques, en Italie et en Espagne.

Selon Bruxelles, cette expansion a entraîné des difficultés "du point de vue de la coexistence avec les activités humaines, notamment en raison des dommages causés au bétail, qui ont atteint des niveaux importants". L'an dernier, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait évoqué le "réel danger" du loup "pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme". Certains la soupçonnent d'avoir une dent contre le canidé depuis que l'un deux lui a tué un poney dans sa propriété du nord de l'Allemagne. Mais elle n'est pas la seule.

En Haute-Saône, dans l'est de la France, des dizaines d'agriculteurs ont déploré début novembre des attaques sur leurs bêtes et dénoncé le refus des services de l'Etat de réaliser des tirs de défense.

Le président de la Chambre d'agriculture dans le département voisin du Doubs avait de son côté appelé fin septembre les éleveurs à s'armer et à "taper" illégalement des loups, afin de protéger leurs troupeaux.

"Le prélèvement des loups sur les troupeaux est en réalité négligeable, de l'ordre d'un pour cent" du total des attaques en Europe, tempère Yann Laurans, d'autres animaux s'en prenant aussi au bétail. Déstabiliser "l'organisation sociale très précise" qu'est une meute risquerait de créer "des comportements plus désordonnés" de celle-ci envers les troupeaux, selon lui.

Espèce "fragile"

La proposition de l'UE "est largement considérée comme illégale, manquant de justification scientifique, et violant les principes de participation démocratique", ont averti plusieurs ONG, dont l'association de défense des droits des animaux One Voice, dans une lettre adressée fin novembre au secrétaire de la Convention, Mikaël Poutiers.

Cette proposition "s'appuie sur certaines informations fournies par un rapport unique, non révisé par des pairs, produit par un cabinet de conseil dans le cadre d'un contrat de service, sous-traité et financé par la Commission européenne", poursuivent-elles. "La population du loup, jugée à tort comme en bonne santé par la Commission européenne, est en réalité encore assez fragile", appuie Yann Laurans.

 

"En affaiblissant l'espèce qui est le sommet du système écologique européen, on risque de fragiliser l'ensemble de la santé, déjà assez peu robuste, de l'écosystème européen", alerte-t-il. Lors d'une visite au Sommet de l'élevage début octobre, le Premier ministre Michel Barnier avait estimé que la nouvelle évaluation officielle du nombre de loups en France, attendue d'ici fin 2024, pourrait représenter un potentiel "moment clé" pour augmenter les abattages.

L'estimation du nombre de loups en France en 2023 s'était établie à 1.003 individus, en baisse de 9% sur un an. Environ 20% de la population est abattue chaque année. La décision sera prise lors de la réunion du comité de la Convention de Berne, qui se tiendra du 2 au 6 décembre au siège du Conseil de l'Europe à Strasbourg.

Si elle est adoptés, elle entrera en vigueur trois mois plus tard dans les pays n'ayant pas formulé d'objection lors du vote. La Convention de Berne est composée des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe, exception faite de Saint-Marin, ainsi que de quatre Etats africains: le Burkina Faso, le Maroc, le Sénégal et la Tunisie.