Glyphosate autorisé pour 10 ans de plus dans l'Union européenne : l'herbicide est-il vraiment cancérogène ?

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Le glyphosate – à l’instar du Roundup de Monsanto - est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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Laura Laplaud
La Commission européenne a annoncé la semaine dernière qu'elle allait renouveler l'autorisation du glyphosate, à la suite d’un vote des États membres qui n’a pas permis de dégager de majorité sur le sort de cet herbicide controversé. Une décision illégale selon les associations de défense de l'environnement.

C’est une décision qui ravit les agriculteurs et qui fait bondir les défenseurs de l’environnement. La Commission européenne a annoncé renouveler l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne pour 10 ans, à la suite d’un vote des États membres qui n’a pas permis de dégager de majorité sur le sort de cet herbicide controversé, le plus vendu au monde. Les opposants au désherbant pointent du doigt ses effets cancérogènes, et pourtant des études démontreraient l’inverse. Que disent vraiment ces études ? Europe 1 fait le point.

Qu’est-ce que le glyphosate ?

Le glyphosate – à l’instar du Roundup de Monsanto - est l’herbicide le plus utilisé dans le monde. La substance permet principalement de protéger les végétaux en détruisant les plantes indésirables. Un produit qui peut aussi bien être utilisé dans l’agriculture, l’horticulture pour lutter contre les mauvaises herbes ainsi que dans les espaces urbains types chemins de fer.

Est-il cancérogène ?

Pour se décider, la Commission européenne s’appuie sur deux études. La première est celle de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) qui ne l’estime pas assez dangereux pour l’interdire. "L’évaluation de l’impact du glyphosate sur la santé humaine, la santé animale et l’environnement n’a pas révélé de sujet de préoccupation critique", a écrit l’Agence publique dans son évaluation de juillet dernier, qui revendique avoir mené "l’évaluation la plus complète et la plus transparente d’un pesticide jamais réalisée par l’EFSA et les États membres de l’UE".

Si l’EFSA indique relever "un risque élevé à long terme pour les mammifères dans 12 des 23 utilisations proposées du glyphosate", elle n’est pas parvenue, en raison de "données incomplètes sur la quantité de résidus de l’herbicide sur les cultures de rotation telles que les carottes, la laitue ou le blé", à évaluer le risque alimentaire pour le consommateur. L’Agence précise que "ce fait ne devrait pas conduire à un dépassement des niveaux de sécurité toxicologique". L’EFSA affirme s’être appuyée sur 2.400 études et 180.000 pages lues.

La deuxième étude sur laquelle s’appuie la Commission européenne est celle de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Publiée en mai 2022, l'étude indique que les preuves scientifiques disponibles n'ont pas permis de classer l'herbicide comme cancérogène. 

L'OMS le classe comme "cancérogène probable"

Des études qui sont bien à l’inverse du constat dégagé par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui a classé en 2015 le glyphosate comme "cancérogène probable". Une conclusion qu'a confirmée l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) en 2021. Comment expliquer de telles divergences ? 

Selon l'ONG Générations Futures, cela serait lié à la sélection des études. La plupart des articles sélectionnés par l'EFSA et l'ECHA "organisent l'invisibilité des études universitaires" et "considèrent dans le même temps comme acceptables des études de l'industrie pourtant clairement inacceptables", affirme l'ONG. D'autres études seraient aussi dotées de la certification "bonne pratique de laboratoire", une norme censée garantir la qualité des analyses, et seraient donc retenues pour appuyer ces analyses. Les études universitaires ou indépendantes ne sont donc pas considérées par les agences européennes, malgré leur intérêt scientifique. 

"La réapprobation contredit directement les conclusions de nombreux scientifiques indépendants qui ont étudié les effets du glyphosate", assure Martin Dermine, directeur exécutif de PAN Europe. Pour Pauline Cervan, toxicologue à Générations Futures (France), "l’évaluation de l’EFSA semble, à première vue, approfondie, car elle englobe de nombreuses études. Cependant, sur les 1.628 études sur le glyphosate examinées par des pairs – dont beaucoup mettent en évidence des effets néfastes sur la santé ou l’environnement – publiées au cours de la dernière décennie, seules 30 (1,8 %) ont été jugées pertinentes et fiables pour l’évaluation. Ces études sont éclipsées par les recherches de l’industrie dans l’évaluation globale des preuves, et aucune n’a servi d’étude clé dans la réévaluation européenne".

La justice de l'Union européenne saisie

Une difficulté demeure : celle de montrer un lien clair entre l'herbicide et le cancer. Des ONG environnementales, dont Pesticide Action Network (PAN) Europe et Générations futures, ont annoncé mardi leur intention de saisir la justice européenne pour contester la décision de Bruxelles de reconduire pour 10 ans l'autorisation du glyphosate dans l'Union européenne. En France, son usage reste interdit pour les particuliers et collectivités locales.