Près de quatre ans après la diffusion des vidéos à caractère sexuel qui ont entraîné la chute de Benjamin Griveaux, l'artiste russe Piotr Pavlenski a été condamné mercredi à six mois de prison aménagé sous bracelet électronique. Sa compagne Alexandra de Taddeo a également été reconnue coupable d'atteinte à l'intimité de la vie privée de l'ancien porte-parole du gouvernement et condamnée à six mois d'emprisonnement avec sursis. Les deux prévenus, âgés de 39 et 32 ans, devront en outre verser solidairement 15.000 euros de dommages et intérêts à l'ex-député, ainsi que 5.000 euros au titre des frais d'avocats.
"Mon œuvre d'art 'Pornopolitique' est terminée, parce que la condamnation du juge est le dernier point dans mes œuvres d'art, c'est toujours comme ça. C'est pourquoi je ne vais pas faire appel", a déclaré Piotr Pavlenski en sortant de la salle d'audience. Alexandra de Taddeo a parlé d'une décision "décevante, parce qu'(elle) attendai(t) que la France soit un peu plus reconnaissante envers Piotr et sa démarche artistique". Elle n'a pas indiqué si elle ferait appel. Pour l'avocat de l'ancien homme politique, Me Richard Malka, "justice a été rendue aujourd'hui à M. Benjamin Griveaux", même si "les torts qui lui ont été causés ne seront jamais réparés".
"Naufrage voyeuriste"
"Les élucubrations artistiques de l'un et les dénégations de l'autre ont été rejetées par le tribunal et ce que dit cette décision, c'est que la violation de nos vies privées, c'est une infraction grave commise par des délinquants", a-t-il affirmé. Alors candidat LREM (aujourd'hui Renaissance) à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux avait abandonné le 14 février 2020 la campagne municipale, en dénonçant des "attaques ignobles mettant en cause (sa) vie privée". Moins de 48 heures plus tôt, des vidéos d'un homme se masturbant avaient été publiées sur un site baptisé "Pornopolitique", dont le lien était relayé sur les réseaux sociaux.
Ces vidéos avaient été adressées par Benjamin Griveaux, 45 ans, à Alexandra de Taddeo lors d'une courte relation, entre mai et août 2018. Elles avaient fait l'objet d'un montage avec des captures d'écran de messages échangés entre eux. Cette démission d'un poids lourd de la majorité avait provoqué un scandale politique : gauche et droite avaient critiqué unanimement un "naufrage voyeuriste" et une "menace pour la démocratie".
Abandon de la politique
Piotr Pavlenski, connu pour des performances extrêmes en Russie et réfugié en France depuis 2017, avait immédiatement revendiqué cette action comme un évènement d'"art politique", visant à dénoncer l'"hypocrisie dégoûtante" d'un homme qui "utilisait sa famille en se présentant en icône pour tous les pères et maris de Paris". À l'issue d'une information judiciaire, les deux prévenus ont été renvoyés devant le tribunal et le procès s'est tenu le 28 juin en l'absence de la partie civile, qui a abandonné la politique. Prévenus arrivés en retard, applaudissements dans le public, suspensions d'audience, comédiens cités comme témoins pour déclamer des extraits du "Tartuffe" de Molière... "Il ne s'agit pas d'un spectacle, mais d'un procès", avait lancé, agacée, la présidente du tribunal.
Le tribunal a suivi les réquisitions du parquet qui avait estimé que "n'importe quelle action ne peut être commise au nom de la liberté d'expression". Piotr Pavlenski a été condamné en 2019 à trois ans de prison, dont un ferme pour avoir incendié la façade d'une succursale de la Banque de France place de la Bastille. Il avait à l'époque là aussi parlé d'un "événement" artistique visant à dénoncer selon lui un contre-sens historique : la présence de la Banque de France dans un haut lieu de la Révolution française.
Une autre information judiciaire liée à l'affaire Griveaux se poursuit : celle concernant l'interpellation du Russe en février 2020, qui s'était déroulée devant l'objectif d'un photographe. Quatre personnes ont été mises en examen, dont la puissante figure de la presse people "Mimi" Marchand. Dans un dossier distinct, Piotr Pavlenski doit par ailleurs être jugé pour "violence avec arme" lors du réveillon 2020, chez une proche de l'avocat Juan Branco.