«Agent orange» : l'action d'une Franco-Vietnamienne contre Bayer-Monsanto échoue en appel

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avec AFP
Bayer-Monsanto et 13 autres groupes agrochimiques ne peuvent pas être jugés en France pour avoir conçu ou commercialisé le défoliant ultra-toxique "agent orange" utilisé durant la guerre du Vietnam, a tranché ce jeudi la cour d'appel de Paris, jugeant "irrecevables" les demandes de Tran To Nga, Franco-Vietnamienne de 82 ans.

"Les demandes de Madame To Nga se heurtent à l'immunité de juridiction dont les sociétés (…) bénéficient", écrit la cour d'appel dans son arrêt. La cour a confirmé un jugement du tribunal judiciaire d'Évry, qui avait estimé en 2021 que les sociétés, dont Bayer-Monsanto, Dow Chemical et Hercules, avaient "agi sur ordre et pour le compte de l'État américain" et qu'elles pouvaient, de ce fait, se prévaloir de "l'immunité de juridiction".

Un agent chimique contre les communistes Vietcong

L'octogénaire, qui a appris la décision depuis Hô Chi Minh-Ville, compte se pourvoir en cassation, ont annoncé ses avocats, Mes William Bourdon et Bertrand Repolt. Elle est "déçue, mais c'est une personne pleine de sagesse. Elle sait que c'est une bataille longue, difficile", ont-ils déclaré à l'AFP.

Née en Indochine française en 1942, Mme To Nga a 24 ans et est journaliste quand elle est exposée au défoliant utilisé par l'armée américaine pour détruire les forêts vietnamiennes qui protègent les combattants de la guérilla communiste Vietcong, mais qui a fait "plus de trois millions de victimes" selon l'association Vietnam Dioxine.

"L'avion est passé avec un nuage blanc derrière lui. Ça tombe très rapidement et c'est comme ça que je me suis retrouvée enveloppée d'un liquide gluant et, tout de suite, j'ai commencé à tousser, à m'étouffer", a relaté Tran To Nga lors d'une conférence de presse en avril.

 

"Écocide" controversé

Sa fille, née en 1969, est décédée d'une malformation cardiaque au bout de "17 mois", précise le collectif, en ajoutant que ses deux autres filles et ses petits-enfants sont atteints de "pathologies graves". Tran To Nga souffre quant à elle de "tuberculoses à répétition, d'un cancer et d'un diabète de type II", dénonce Vietnam Dioxine. Aux États-Unis, le combat contre l'"agent orange" a conduit en 1970 à la création du terme d'"écocide" pour décrire la destruction délibérée de l'environnement.

Si des vétérans ont été indemnisés par certaines entreprises sans qu'un procès ait lieu, la justice a débouté en 2005 une association vietnamienne de victimes au motif que l'"agent orange", qui tient son nom de la couleur du bandeau peint sur les barils contenant ce défoliant, était un herbicide et non une arme chimique. Tran To Nga s'est elle tournée vers la justice française. En première instance en 2021, elle avait été déboutée par le tribunal d'Évry.

"Une attitude conservatrice à rebours de la modernité du droit"

Pour les entreprises qui répondaient aux commandes de l'État américain, "la marge de manœuvre était inexistante et le contrat était un carcan", a de nouveau plaidé en mai devant la cour d'appel Me Jean-Daniel Bretzner, avocat de Bayer-Monsanto.

"Dans cette affaire qui est une affaire de principe, les juges ont endossé une attitude conservatrice à rebours de la modernité du droit et contraire au droit international et au droit européen", arguent au contraire les conseils de Tran To Nga. En France, Tran To Nga bénéficie de soutiens qui s'étaient rassemblés, quelques jours avant l'audience en appel, sur la place de la République à Paris.

Des militants avaient pour l'occasion drapé l'emblématique statue de cette place de banderoles oranges marquées des slogans "Agent orange écocide", et "Stop Chemical Warfare" ("Arrêtez les armes chimiques"). En raison de son âge avancé et de sa santé défaillante, Tran To Nga avait alors lancé à ses soutiens : "Peut-être que ce sera à vous de continuer le combat".