L'enseignant en histoire-géographie de 47 ans avait été poignardé puis décapité en octobre 2020 près de son collège à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par Abdoullakh Anzorov, un réfugié russe d'origine tchétchène abattu dans la foulée par la police. Le jeune islamiste radicalisé de 18 ans reprochait au professeur d'avoir montré des caricatures de Mahomet, lors d'un cours sur la liberté d'expression. Dans un message audio en russe, il avait revendiqué son geste en se félicitant d'avoir "vengé le Prophète".
Cinq adolescents accusés d'avoir désigné l'enseignant à l'assaillant, contre rémunération
L'attentat était intervenu dans un contexte de menace terroriste élevée, alors que le journal Charlie Hebdo avait republié quelques semaines plus tôt des caricatures de Mahomet à l'occasion du procès des attentats de janvier 2015.
Cinq des adolescents, à l'époque âgés de 14 et 15 ans, seront jugés pour association de malfaiteurs en vue de préparer des violences aggravées. Ils sont accusés d'avoir surveillé les abords du collège et désigné l'enseignant à l'assaillant, contre rémunération.
Une sixième adolescente comparaîtra pour dénonciation calomnieuse
Une sixième adolescente, âgée de 13 ans au moment des faits, comparaîtra pour dénonciation calomnieuse. La collégienne avait soutenu que l'enseignant avait demandé aux élèves musulmans de la classe de se signaler et de sortir avant de montrer les caricatures de Mahomet - lors du cours auquel elle n'avait en fait pas assisté.
Ce mensonge a été à l'origine de la violente campagne alimentée sur les réseaux sociaux par le père de cette collégienne, Brahim Chnina, et le militant islamiste Abdelhakim Sefrioui, auteur de vidéos qui avaient attiré l'attention sur le professeur. Ces deux hommes seront jugés lors d'un second procès aux assises fin 2024, avec six autres adultes.
En dix jours, le piège s'était refermé sur Samuel Paty
Pour la famille de Samuel Paty, ce premier procès, "fondamental", est très attendu : "le rôle des mineurs est essentiel dans l'engrenage qui a conduit à l'assassinat" du professeur, dit Me Virginie Le Roy, qui représente ses parents et l'une de ses sœurs.
L'enquête avait retracé comment, en dix jours, le piège s'était refermé sur Samuel Paty : du mensonge de la collégienne aux attaques en ligne, jusqu'à l'arrivée de l'assaillant devant le collège le 16 octobre. "Eh le petit, viens voir, j'ai un truc à te proposer", dit Abdoullakh Anzorov à un adolescent, lui offrant 300 euros pour identifier M. Paty que l'assaillant dit vouloir "filmer en train de s'excuser".
Le collégien "se vante" et relaie la proposition, ne se "sentant pas le faire tout seul". Quatre autres le rejoignent. Certains font des allers-retours entre le collège et la "cachette" d'Anzorov, surveillent, ou se filment avec des billets. L'assaillant demande à l'un d'eux de téléphoner à l'adolescente à l'origine de l'affaire. Elle réitère son mensonge, sans savoir qu'il écoutait, assurera-t-elle.
Lors d'auditions où ils se sont effondrés en larmes, les collégiens ont juré avoir imaginé que le professeur se ferait tout au plus "afficher sur les réseaux", peut-être "humilier", "taper"... mais "jamais" que ça irait "jusqu'à la mort". À la sortie des classes, Samuel Paty est désigné par les adolescents : "il est là". Il sera assassiné peu avant 17 heures.
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Les adolescents encourent deux ans et demi d'emprisonnement
"Il y a eu beaucoup de déclarations, on attend maintenant de voir ce qui va se dire à la barre", dit Me Francis Szpiner, avocat de l'ex-compagne de Samuel Paty et de leur fils. Sa cliente "fera parvenir une lettre à la présidente" mais n'assistera pas à l'audience.
Les adolescents, tous sous contrôle judiciaire, sont aujourd'hui lycéens. Ils encourent deux ans et demi d'emprisonnement. "C'est compliqué", résume Me Dylan Slama, avocat de l'un d'eux. "Toute sa vie il restera ce gamin impliqué dans cette affaire". C'est "un poids lourd sur ses épaules", abonde Me Antoine Ory, avocat d'un autre jeune "qui appréhende beaucoup d'affronter la famille de Samuel Paty".
Une dizaine d'enseignants collègues de Samuel Paty comptent se constituer parties civiles à l'ouverture du procès, en "soutien" de la famille, selon leur avocat Me Antoine Casubolo-Ferro. Le procès est prévu jusqu'au 8 décembre.