Il aura bientôt un nouveau locataire. Le palais de l'Elysée a connu plusieurs vies et ses murs renferment bien des secrets. Patrice Duhamel et Jacques Santamaria, auteurs d'un livre sur les mystères du palais étaient les invités de l'émission Il n'y a pas qu'une vie dans la vie pour nous révéler quelques anecdotes.
- Le sentiment d'être en prison
Des présidents de la Ve République, investis d'un pouvoir fort, à ceux des IIIe et IVe Républiques, caricaturés en inaugurateurs de chrysanthèmes, tous ont évoqué ce terme de prison pour définir le palais de l'Elysée. Un sentiment d'enfermement notamment dû au fait que, bien que placé au cœur de la ville, le silence et l'isolement règnent. François Hollande parle de "l'épaisseur du silence". Pompidou évoquait son "vertige à ne capter aucun bruit de la ville si proche" quand Raymond Poincaré dénommait carrément le palais comme "la maison des morts".
"Le général de Gaulle voulait aller au château de Vincennes. Quand on lui a présenté le devis, il a répondu qu’il n’en était pas question", raconte Patrice Duhamel. Il avait aussi pensé aux Invalides, mais le coût était aussi démesuré. En 2007, Nicolas Sarkozy a également songé à déménager la présidence et à l'installer à l’Ecole militaire. En vain.
- Lieu de villégiature, lupanar et Lunapark
Commandé en 1718 par le petit-neveu de Mazarin, le bâtiment est achevé deux ans plus tard. A la mort de son premier propriétaire, La Pompadour achète la demeure, la lègue à Louis XV et plus tard Louis XVI la vend à sa cousine Bathilde d’Orléans qui en fait l’endroit le plus couru de Paris pour... des séances d’occultisme. Le site s'orne ensuite d'un café-concert, d'animaux. L'appellation Elysée-Bourbon s’impose à partir de Bathilde d’Orléans. Le parc de l’époque ne s’arrêtant pas à l’avenue Gabriel mais aux Champs-Elysées.
"Pendant le directoire et après, moyennant finance on pouvait monter avec des filles dans les chambres", confient les auteurs. L'Elysée version lupanar était aussi une des raisons pour lesquelles le général de Gaulle n’aimait pas cette maison qu'il appelait le "Palais de la main gauche", allusion à la consommation sexuelle intense du lieu. Caroline Murat, sœur de Napoléon I et épouse de Murat faisait notamment des promenades particulières dans le parc. Le président Felix Faure y fit aussi un malaise mortel après une scène quelque peu érotique.
- Un lieu adoré de Napoléon
Napoléon adorait le palais qui appartenait à sa sœur Caroline et avait l’idée de s’y installer un jour. Sa sœur voulait régner, il la couronne alors reine de Naples et réquisitionne le palais pour l’Etat et s'y installe. En 1813, il revient à Paris après la campagne de Russie. En 1814, il abdique et quitte l’Elysée après avoir signé son acte d’abdication dans le salon d’argent du palais. Il quitte l’Elysée par les jardins. Plus d'un siècle plus tard, le général de Gaulle emprunte le même chemin le 25 avril 1969.
- La guerre des cuisines sous Mitterrand
806 personnes travaillent aujourd'hui chaque jour dans les murs du palais qui prend des airs de petite ville mais aussi de caserne, puisque beaucoup de militaires y sont en faction. Autour du président gravitent entre 50 et 100 collaborateurs : le cabinet, les conseillers, les chargés de missions. Sans oublier le personnel, qui traverse les présidences : fleuristes, jardiniers, cuisiniers…
C'est d'ailleurs en cuisine qu'éclate une guerre sous la présidence de François Mitterrand. Il est d'ailleurs l'unique président à n'être jamais descendu voir les fourneaux. Quand il arrive au pouvoir, il n'apprécie pas le travail du chef de la cuisine centrale et fait venir une cuisinière pour ses propres repas. Les deux équipes sont en compétition perpétuelle, un affrontement auquel Danielle Mitterrand mettra fin.
- Le PC Jupiter
Si les murs, les meubles, les tapisseries témoignent des diverses périodes de l'histoire, un lieu est ultramoderne : le PC Jupiter, au sous-sol. "C'est un endroit totalement secret avec un bureau, deux salles de réunion, des écrans", décrivent les spécialistes. Ce poste est nommé Jupiter parce que c'est d'ici que le président est susceptible de déclencher le "feu nucléaire".