Des HLM à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) 16:50
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Maxime Dewilder
Comment parler des banlieues ? Et, surtout, comment faire parler la banlieue ? C’est la gageure d’un document qui passe lundi soir sur RMC Story, 70 minutes en immersion à la cité des 3.000 à Aulnay-sous-Bois, là où s’était passée l’affaire Théo, du nom ce jeune agressé par la police lors d’un contrôle d’identité.
INTERVIEW

François Hollande, président de la république lors des faits, s'était rendu à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) pour rendre visite à Théo, à l'hôpital à cause d'une agression policière inqualifiable. L'affaire avait eu un fort écho et mettait en lumière les violences policières et la situation critique de certaines banlieues françaises. Partant de ce constant, le réalisateur Antoine Ly s'est rendu dans la cité des 3.000, à Aulnay, pour y tourner un documentaire. Comment parler des banlieues ? Comment faire parler la banlieue ? C'est le défi relevé par le réalisateur, dont le documentaire est diffusé lundi soir sur RMC Story. Il répondait aux questions d'Europe 1 lundi, dans Culture - médias.

"Très compliqué de tourner dans une banlieue, de sortir la caméra"

Antoine Ly est journaliste et documentariste. Il a voulu aller au-delà des affaires médiatiques et montrer le quotidien d'une cité : "C'est très compliqué de tourner dans une banlieue. Donc avant de sortir la caméra, nous avons passé un mois sur place. J'ai fait mes courses au marché, je suis allé manger au 'restaurant des 3.000' tous les jours, je suis allé me faire couper les cheveux à deux reprises ! Le fait de me voir tous les jours dans leur quartier a fait prendre conscience aux habitants que j'avais une démarche particulière".

Antoine Ly et son équipe ont gagner la confiance des gens, petit à petit. Pour autant, pas question de s'infiltrer ou de tourner en caméra cachée. Le journaliste se présentait : "Je leur disais 'je veux faire un documentaire sur vous car vous avez des choses importantes à dire je pense, est-ce que vous voulez bien m'en parler ?'. Ce n'était pas évident, il a fallu des négociations compliquées et parfois très longues".

La cité des 3.000 compte aujourd'hui 24.000 habitants, soit la moitié de la population sur 4% du territoire. Dans le documentaire d'Antoine Ly, un premier témoin, Hakim Djaziri, comédien, analyse l'historique du quartier, sa sociologie : "Il y avait à mon époque plus de français pur souche. Il y avait encore une certaine mixité qui n'existe plus aujourd'hui, quasiment plus. Si on regarde autour de nous, il y a une multitude de nationalités différentes qui cohabitent super bien ensemble. Mais il n'y a pas de français pur souche. Je le regrette, parce qu'ils ne seraient pas mal accueillis, au contraire."

La cité des 3.000, ancienne "Neuilly d'Aulnay"

Si un homme politique parlait de "français pure souche", il serait aussitôt classé à l'extrême droite et qualifié de raciste. La force du documentaire est d'être iconoclaste, des choses indicibles dans les médias sont prononcées, comme ce terme de "pur souche".

Toutes les problématiques dont les médias font leur une - communautarisme, port du voile, délinquance, trafic de drogues... - sont abordées de front, sans fard "avec ceux dont on parle toujours mais que l'on n'entend jamais, les habitants de ces cités", explique Antoine Ly.

Quand la cité de "la Rose des vents" a été construite, il y avait 3.000 logements, d’où le surnom de "cité des 3000". C’était très beau, très lumineux, c’était même considéré comme "le Neuilly d’Aulnay". Pourtant, aujourd'hui, la situation s'est très nettement dégradée et ce n'est pas facile de montrer que ce territoire est un territoire comme les autres et qu’il est injustement stigmatisé.

Par exemple, le spectateur assiste à une interview surréaliste avec un jeune de cinquième exclu du collège : "C'est la première fois que tu es exclu de l'école ou pas ? Non. C'était quand la première fois ? Et pourquoi ? En cinquième. Quand les sixièmes rentrent au collège, on les frappe. Et moi j'ai frappé des sixièmes et il y en a un qui m'a balancé. Et après, j'ai été exclu une semaine. Pourquoi tu l'as frappé ?  Parce qu'il rentrait en sixième."

"Pour survivre dans la cité, je me suis bonhommisée"

Autre scène, à la fois authentique et passionnante, le débat entre deux hommes dans un café de la cité où il n'y a... que des hommes. L'un explique pourquoi il voudrait que des femmes viennent pendant que l'autre avance que sa femme ne franchirait pas la porte pour des raisons personnelles. Puis Antoine Ly donne justement la parole aux femmes pour comprendre pourquoi elles ne vont pas dans ce café. "Nous, toutes seules on ne va pas oser parce qu'il y a que des hommes. Ce n'est pas interdit mais c'est un signe de pudeur en fait. C'est bizarre...", disent-elles.

Lors du documentaire, une seule fille parle longuement, une danseuse. Quand elle est interrogée sur la place des femmes aux 3.000, elle commence par expliquer qu’elle déteste cette question avant d'employer un néologisme : "Pour survivre dans la cité, je me suis bonhommisée".

Le journaliste rencontre aussi le dernier kinésithérapeute de la cité. Il part à la retraite et il ne trouve personne pour lui succéder. "Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que lorsque l'on grandit dans ces quartiers, on ne vous offre par la possibilité de vous projeter, de rêver. Il n'y a qu'un rêve possible à la cité des 3.000, c'est celui de devenir footballeur ! Moussa Sissoko vient de la cité des 3.000, tout le monde rêve d'être le prochain".

Rendez-vous lundi soir sur RMC Story pour voir Aulnay-sous-Bois : immersion au cœur de la cité.