Autrefois synonyme de célébrations, les mortiers d’artifice sont désormais l’expression de la violence décomplexée contre les forces de l'ordre. Dimanche dernier, le commissariat de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, a été la cible de ces projectiles incandescents aux couleurs vives. Les dégâts se sont limités à une vitre qui a été fissurée et quelques traces de brûlures. "Les images sont terribles, ça montre qu’on peut assiéger un commissariat n’importe quand et en toute impunité avec ces armes !", s’indigne auprès d’Europe 1, Benoît Barret, conseiller spécial du syndicat Alliance Police.
L’été dernier, durant les émeutes liées à la mort du jeune Nahel à la suite d’un refus d’obtempérer, les Français ont découvert avec stupéfaction ces projectiles aux couleurs criardes crachés par des mortiers d’artifice braqués sur des policiers impuissants face à des délinquants masqués. "Cela fait maintenant cinq ans que ces projectiles sont l’artillerie de la guérilla urbaine", explique Benoît Barret.
Ces objets sont à l’origine des objets festifs qui ont longtemps été utilisés dans les quartiers notamment pour des mariages. "Il y avait déjà des stocks importants en Ile-de-France, mais désormais, ce sont des armes par destination (NDLR : un objet du quotidien peut être assimilé à une arme dès lors qu'il est utilisé ou que le détenteur a l’intention de l’utiliser pour tuer, blesser ou menacer, et dès lors que cet objet est susceptible de présenter un danger pour les personnes)", indique Bruno Beschizza, maire de d’Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. "C’est comme les béquilles dans les collèges à une époque. Certains élèves se rendaient à l’établissement en boitant afin d’avoir une béquille pour s’en servir de manière violente", ajoute-t-il.
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"C’est l’arme des lâches"
Les mortiers d’artifice sont utilisés de façon belliqueuse pour des raisons pratiques. "Ce sont les armes des lâches. Contrairement aux cocktails Molotov, ils permettent de se tenir à distance de sa cible tout en faisant plus de dégâts. Pour seulement 48 euros, les délinquants peuvent se procurer facilement une arme mortelle qui envoie 380 coups partant à plus de 80 km/h", détaille le conseiller spécial. En plus de sa létalité, les mortiers provoquent aussi aisément des incendies.
A cette facilité d’utilisation s’ajoute le côté marquant de ces attaques qui génèrent des images impressionnantes relayées massivement sur les réseaux sociaux. "Les voyous pensent aux dégâts et aux images que ça génère pour montrer qu’ils font la loi dans la rue. C'est faire le mal tout en étant ludique", souffle le maire d’Aulnay-sous-Bois. "Il faut aussi se mettre à la place des policiers ciblés par ces projectiles, c’est très impressionnant pour eux", complète-t-il. Une arme par destination qui, par son côté visuellement impressionnant, s'est imposée comme l’outil de contestation incontournable notamment pour les très jeunes délinquants parfois âgés de seulement 12 ans.
Un vaste réseau souterrain
Durant un long moment, le législateur français a plutôt été clément concernant la détention des mortiers d’artifice. Avant 2021, les non-professionnels de plus de 18 ans pouvaient acheter ces objets en toute légalité. Désormais, la vente à des non-professionnels est passible de 7.500 euros d'amende et de six mois d'emprisonnement. "Malheureusement, il est très facile de se fournir en matériel pyrotechnique, il suffit de commander sur internet ou d’aller en Belgique où la législation n’est pas la même", notifie Benoît Barret.
Autre moyen pour les délinquants d'obtenir cet arsenal à moindre coût : les réseaux illégaux. "La vente des mortiers d’artifice sous le manteau est devenue une vraie filière illégale venant de Belgique. C’est un réseau qui alimente constamment les stocks dans les quartiers", expose le maire.
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Pour endiguer la propagation de ces armes par destination, plusieurs solutions sont demandées par les forces de l’ordre et les élus locaux. "Il faut que les sanctions soient vraiment appliquées pour dissuader les délinquants d’en utiliser", réclame Benoît Barret. Pour Bruno Beschizza, la solution est plus radicale : "Quand on ouvre le coffre d’une voiture venant de Belgique et qu’on trouve ces objets il faut qu’ils soient considérés comme des armes".