Vous passez beaucoup de temps en ce moment pour la promo du film. Ça va, vous vous supportez bien ?
Marie Papillon : On ne peut plus se voir ! (Rires).
Stacy Martin : On n'arrête pas de se faire des blagues… On ne sait plus trop ce qu'on dit (Rires).
Est-ce que vous vous connaissiez avant ?
S.M : Non, on s'est rencontrées aux essais, à Paris. Marie faisait déjà partie du projet. Eloïse (ndlr : la réalisatrice) avait vraiment à cœur de trouver le couple qui allait tenir cette histoire. Elle cherchait à ce qu'il y ait une vraie complicité. Elle nous a laissées beaucoup de liberté pour voir s'il y avait cette alchimie avec Marie. C'était vraiment intuitif.
M.P : Moi, j'étais déjà sur le film depuis un an et on cherchait ma partenaire de jeu. J'ai fait beaucoup d'essais avec différentes actrices. Mais ça a tout de suite été une évidence avec Stacy.
"L'amour de Lucie et Inès ne dérange personne"
Qu'est-ce qui vous a plu dans le scénario de cette comédie loufoque parlant d'un couple lesbien se battant pour avoir un enfant ?
M.P : Beaucoup de choses ! J'ai tout de suite été séduite par l'histoire d'amour entre ces deux femmes mais aussi par le côté engagé du film qui rend visible le combat pour la PMA. Et puis, on connaissait toutes les deux le travail d'Eloïse et on savait qu'on allait avoir affaire à un film touchant, bienveillant et drôle.
S.M : Elle a amené le sujet avec beaucoup de bienveillance.
M.P : Oui exactement, et sans tomber dans la moquerie et dans la parodie.
Marie Papillon, vous avez fait votre coming-out très tôt et parlez ouvertement de votre homosexualité. Êtes-vous donc rentrée plus facilement dans le peau de votre personnage ?
M.P : Tout aussi facilement que Stacy (ndlr : Stacy Martin est en couple avec un homme). Il n'y a pas eu de déséquilibre dans notre jeu par rapport à ça.
S.M : Oui, car le film parle avant tout d'un couple qui s'aime. C'est ça aussi que j'ai beaucoup aimé dans le scénario, le fait que cet amour ne soit pas du tout remis en question, que leur histoire soit normale.
On voit malheureusement encore très rarement des couples de lesbiennes au cinéma…
M.P : Oui… Et avec ce film d'Eloïse Lange, on n'est ni dans la caricature ni dans le drame. Il y a souvent des représentations de femmes lesbiennes qui souffrent parce que leur homosexualité n'est pas acceptée. La Graine est, à ma connaissance, un des premiers films en France où on voit un couple de femmes et ça ne dérange personne ! C'est très important en termes de représentation.
S.M : Oui, et ce qui pose problème dans le film n'est pas leur homosexualité mais les contraintes sociétales auxquelles elles font face pendant leur parcours de PMA.
Qu'est-ce qui vous a touchées dans ce couple formé par Lucie et Inès ?
M.P : Moi, ce que j'ai aimé, c'est que c'est très vrai. Elles se rencontrent et c'est un vrai coup de foudre. On a envie d'aller avec elles dans cette histoire d'amour, on se dit que c'est trop beau. Puis, on déchante avec elles parce qu'elles n'arrivent pas à avoir un enfant. Je trouve ça très juste et bien équilibré. Elles ont toutes les deux leurs envies et leurs inquiétudes mais restent ensemble dans ce combat. Et elles tiennent pour leur couple.
S.M : Oui, on a vraiment envie qu'elles y arrivent et qu'elles restent ensemble parce qu'on les voit s'éloigner l'une de l'autre. On se dit que c'est trop bête mais c'est une réalité aussi pour beaucoup de couples.
En ce sens, le sujet du film est très universel.
M.P : Tout à fait. Et c'est ça qui est super dans ce film. Le couple de Lucie et Inès est tellement fort que n'importe qui peut se mettre à la place de l'une ou de l'autre.
S.M : Oui, énormément de couples se détruisent quand ils n'arrivent pas à avoir un enfant parce que c'est épuisant et décourageant.
"Les femmes ont aujourd'hui le choix de devenir mère ou non"
Quel regard portez-vous sur la maternité ?
M.P : Quand j'étais petite, je me disais que j'avais la flemme (Rires). Je ne me suis jamais vue comme maman puisque de toute façon, j'ai grandi avec l'idée que ce ne serait pas possible parce que j'aimais les filles. Aujourd'hui, je n'en suis pas du tout au stade vouloir un enfant. En tout cas, je me laisse la possibilité d'avoir le choix. Et c'est déjà énorme.
S.M : À 12 ans, j'avais quand même une idée très romantique de la maternité. En grandissant, j'ai compris aussi que c'était un combat.
La Graine aborde un sujet très sérieux (les couples de femmes qui rencontrent des difficultés à avoir un enfant) de manière totalement décalée. Qu'est-ce qui vous a le plus fait rire sur le tournage ?
S.M : Marie, c'est moi qui t'ai fait rire ?
M.P : Non… C'est François Damiens (Rires). Il a fait beaucoup d'improvisations et c'était vraiment très difficile de garder son sérieux avec lui. Il nous a fait mourir de rire.
S.M : Je dirais François Damiens aussi mais il y a une scène où j'ai particulièrement ri, celle avec le réceptionniste d'un centre de yoga. En fait, il y a plein de petits personnages que le couple rencontre pendant le film. Ces personnages sont quand même assez fous et hyper touchants et ils nous rappellent tous des gens qu'on a déjà croisés dans notre vie.
Stacy Martin, cette comédie marque un virage dans votre carrière car on a plutôt l'habitude de vous voir dans des drames. Avez-vous aimé relever ce challenge ?
S.M : C'était un gros défi mais j'aime bien changer les rôles que je fais. Le ton d'Éloïse est très juste par rapport au sujet et par rapport au message qu'elle a envie de donner. C'est quelque chose qui m'a beaucoup inspirée, même si c'est dans un registre que je n'avais jamais fait avant. La comédie est en genre très puissant et accessible. On peut toucher les gens de manière plus globale en les faisant rire.
Ce film peut-il changer les choses ?
M.P : J'espère qu'il permettra aux femmes qui sont en parcours de PMA, seules ou en couple, de se sentir moins isolées. Et qu'il contribuera à changer les mentalités de gens pas du tout éduqués, voire plutôt réacs sur le sujet.
S.M : Le film montre qu'on peut trouver des solutions pour tous les couples s'il y a de l'envie. J'espère qu'il suscitera cette envie !