Son nom est gravé à tout jamais dans les livres d’Histoire. Le 21 juillet 1969, Neil Armstrong est devenu le premier homme à mettre un pied sur la Lune. Mais qui était-il vraiment ? Dans son nouveau film, First Man, dont la sortie est prévue mercredi prochain en France et dont Europe 1 est partenaire, Damien Chazelle (Whiplash, La La Land) s’attarde sur la vie du plus célèbre des astronautes - brillamment interprété par Ryan Gosling - entre 1961 et cette fameuse année 1969. Une période peu connue mais décisive dans la trajectoire du pilote. Et éprouvante d’un point de vue personnel.
Jean-Pierre Haigneré, lui, n’a jamais marché sur la Lune. Mais il est l’astronaute français qui a passé le plus de temps dans l’espace : 209 jours en deux missions spatiales. “Ce film réveille beaucoup de choses en moi”, confie-t-il à Europe1.fr.
Qu’avez-vous ressenti en regardant ce film ?
Je l’ai trouvé inspirant. Ça réveille beaucoup de choses que j’ai vécues, et dont je n’avais pas forcément pris conscience complètement… Beaucoup de choses qu’on fait, en tant qu’astronaute, qui ne sont pas ordinaires mais qu’on assume par l’entraînement, par le désir que l’on a de repousser ses propres limites. Ce film amène à une prise de conscience. Et en ce sens, il agit comme un documentaire, même s’il n’en est pas un. En revanche, Neil Armstrong était un vrai héros.
Dans First Man, il est dépeint comme un personnage mutique et secret. Était-il vraiment comme ça dans la vie ?
Je n’ai jamais rencontré Neil Armstrong, qui est aujourd'hui décédé (en 2012), mais j’ai rencontré de nombreuses fois Buzz Aldrin. Ce sont deux caractères absolument différents : Aldrin aime bien être la vedette, il a ce côté "space cowboy". Armstrong, lui, c'était tout le contraire : quelqu’un d’effacé, qui ne ramenait jamais les choses à lui. Je trouve en effet que l’aspect psychologique du personnage est particulièrement bien retranscrit dans le film.
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Pensez-vous à certaines scènes en particulier ?
Oui, notamment celles où il a du mal à dire au-revoir à ses enfants et à sa femme. Il sait qu’il va risquer sa vie, mais il ne veut pas le dire, il ne veut pas l’avouer, il n’arrive pas à assumer son aventure et les conséquences qu’elle peut avoir dans sa famille. Cela montre le stress auquel sont soumis ces hommes, malgré leur héroïsme incroyable. Ils prenaient des risques énormes…
Le film se concentre justement beaucoup sur la famille de Neil Armstrong, et sur sa relation avec sa femme, interprétée par Claire Foy. En quoi cet aspect est-il singulièrement important pour un astronaute (Jean-Pierre Haigneré est marié à Claudie Haigneré, seule femme française à être allée dans l’espace, ndlr) ?
C’est très important, effectivement. On a besoin de stabilité, parce qu’on s’en va et on ne sait pas si on reviendra. On a besoin d’une famille autonome aussi, parce qu’on ne peut pas être disponible à la fois pour une mission extrêmement exigeante et pour la famille… Je me souviens qu’un jour, j’étais au centre de contrôle de Kaliningrad, dans la banlieue de Moscou. L’un des astronautes russes avec qui j’ai volé ensuite était alors dans l’espace. Cela faisait déjà plus de six mois. Et sa femme vient à la fréquence pour lui dire : ‘Sergueï, mon lavabo est tombé par terre, qu’est-ce que je dois faire ?’. Que pouvait-il faire, le pauvre Sergueï, en orbite autour de la terre ? Typiquement, la famille doit être solide.
Et on le voit bien dans ce film : la femme de Neil Armstrong est héroïque. Elle est obligée de subir des choses qui sont difficilement compréhensibles pour une épouse normale. Et elle, elle accepte, et quand il faut remettre les choses en place, elle le fait aussi.
En tant qu’astronaute, avez-vous trouvé crédibles les scènes de pilotage ?
Disons que certaines choses sont un peu exagérées. Au début, par exemple, il y a des vols d’avions spatiaux X-15 : on voit que ça tremble de tous les côtés etc. C’est une description un peu trop dramatique. C’est comme dans les films de bagarre, où on voit des gens s’asséner des coups mortels pendant une demi-heure. Le cinéma se nourrit beaucoup de ces exagérations. C’était la même chose avec le film Gravity.
Pour avoir vécu des choses similaires, bien que moins dramatiques, il est évident que ça ne peut pas se passer comme ça. Mais en même temps, c’est un tableau, une interprétation d’un morceau de vie et d’aventure. Et je pense que cela plaît au spectateur.
Et pour l’alunissage ?
Tout s’est passé exactement comme dans le film, ou presque. Certes, Neil Armstrong n’a pas eu à éviter un cratère aussi gros que celui qu’il y a dans le film. Il n’empêche : il a quand même été obligé de reprendre les commandes à la main, comme c’est montré. Ce survol n’était absolument pas prévu, c’était de l’improvisation totale. Ça a duré 30 à 40 secondes et il a sauvé sa peau et sa mission. Quand il s’est posé, il ne restait plus que dix secondes de carburant dans le réservoir. Donc c’est passé très près.
Ce film vous a-t-il encore permis d’apprendre des choses sur cette aventure ?
Je ne sais pas, mais j’espère que le grand public va apprendre beaucoup de choses. A chaque fois qu’on parle de l’espace d’ailleurs, il y a un grand enthousiasme. Il n’y a pas si longtemps, quand Thomas Pesquet était au grand Rex pour la projection de son film, c’était une ovation incroyable. Quand il est venu à Toulouse aussi…
Parce que des aventures comme celles-là, on en a vécues beaucoup à notre époque. C’était l’ère des grandes premières. Mais les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas eu ça. Si quelque part ça peut les inspirer, les aider à se dire que l’impossible est possible… Neil Armstrong, c’était un humain, avec ses faiblesses. Et cet humain, avec ses faiblesses, est devenu un héros.
À l'occasion de la sortie le 17 octobre du nouveau film de Damien Chazelle, First Man : le premier homme sur la Lune, dont Europe 1 est partenaire, la station propose une programmation spéciale le jeudi 11 octobre. Entre interviews et reportages, retour sur la mission Apollo XI qui a tenu en haleine le monde entier. Jean-Pierre Haigneré sera d'ailleurs présent dans l'émission de Matthieu Belliard, entre 17 heures et 20 heures, pour en débattre avec les auditeurs, au 3921