Le Qatar pourra investir dans les banlieues françaises. Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, a en effet approuvé la création d'un fonds qatari destiné à financer des projets d'entrepreneurs de quartiers populaires. "Il sera d'au moins 100 millions d'euros", affirme le cabinet du ministre, cité par Libération, qui révèle l'information lundi. Contrairement au projet initial, le fonds sera élargi à toutes les " zones françaises paupérisées", rurales et urbaines. Et l'Etat aura finalement des parts dans le capital du fonds, histoire d'assurer un minimum de contrôle.
Censées apaiser les craintes des défenseurs comme des opposants du projet, ces révélations laissent toutefois encore planer de nombreux doutes. Décryptage en trois minutes chrono.
Petit rappel des faits. En décembre dernier, l'Association nationale des élus locaux pour la diversité (Aneld), un groupe d'élus militant pour l'amélioration des banlieues, se réjouissait d'avoir obtenu du Qatar le déblocage d'un fonds d'investissement de 50 millions d'euros. Ces élus, cinq hommes et cinq femmes, avaient pour cela rencontré des dirigeants de l'émirat pétrolier. "On leur a vendu la banlieue, on a réussi à le sensibiliser " s'était enthousiasmé, au micro d'Europe1, Kamel Hamza, le président.
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Les craintes des défenseurs du projet. Le fonds avait sombré dans l'oubli, mis à l'écart par tous les politiques pendant la campagne présidentielle. "Nous étions inquiets. Beaucoup d'entrepreneurs nous ont adressés leurs projets. Certains ont dépensé de l'argent pour cela, puisqu'on leur a demandé un business plan. Tous sont en attentes de ce financement", a confié lundi la vice-présidente de l'Aneld, Leila Leghmara, contactée par Atlantico.fr.
Selon Le Parisien, Arnaud Montebourg avait même laissé entendre que le fonds ne serait finalement plus destiné aux banlieues, mais à toutes les PME françaises. "Cela serait honteux. C'est nous qui sommes allés chercher l'argent", lâche dans Libération Kamel Hamza.
Les critiques des opposants. Il fait dire que le projet avait suscité un tollé de critiques. Beaucoup y voyaient le signe d'un échec de l'Etat, qui, s'il acceptait ce fonds sur le territoire, donnerait l'impression de confier à des étrangers le sort de populations françaises délaissées. "C'est un projet dangereux. Peut-on imaginer les Etats-Unis investir 10 millions dans l'Education nationale", s'était ainsi inquiété le sénateur PS de Clichy-sous-Bois, Claude Dilain, cité par Libé.
Opposante la plus virulente, Marine Le Pen avait, elle, dénoncé un projet communautaire, venant d'un pays islamiste, à destination des banlieues "en raison de la forte proportion de musulmans qui s'y trouve." "On laisse un pays étrangers choisir ses investissements en fonction de la religion", avait raillé la présidente du FN.
Des modifications utiles mais insuffisantes. Selon les défenseurs du projet, les modifications apportées par Arnaud Montebourg feront taire les critiques. L'ouverture du fonds aux zones rurales balaie l'argument des "banlieues musulmanes." Et la participation de l’État au fonds est censée garantir un suivi des investissements. Reste à savoir à combien s'élèvera cette participation. Selon la vice-présidente de l'Aneld citée par Atlantico, le fonds sera réparti à 50/50 entre le Qatar est la France. Mais Libération, citant les "coulisses du dossier", affirme que l’État français sera minoritaire.
De plus, les intentions de l'émirat sont encore floues. "C'est une stratégie de conquête de l'opinion publique. S'afficher en bienfaiteur des banlieues, c'est une manière pour les Qataris de se faire accepter pour aller encore plus loin", avance une source proche du dossier citée par Libération.
Du côté des défenseurs du fonds, on s'estime "content mais vigilant", après l'annonce d'Arnaud Montebourg. Car aucune précision, ni aucun calendrier, n'ont encore été fixés. "Aucun échéancier n'a été programmé, regrette la vice-présidente de l'Aneld. J'ai bien précisé au ministre qu'il y a une attente très forte, qu'il y a urgence à mettre en place ce fonds d'investissement, et qu'on ne peut pas ne pas fixer de date."