Le flou statistique. Alors qu’on pensait que le gouvernement avait raté son pari d’inverser la courbe du chômage en 2013, l’Insee a publié jeudi des chiffres qui semblent prouver le contraire : le taux de chômage a atteint 9,8% en métropole lors du quatrième trimestre, soit une baisse de 0,1 point par rapport au trimestre précédent. Ce qui a permis au ministre du Travail Michel Sapin d'estimer dans la foulée que l'engagement pris par François Hollande de faire baisser le chômage fin 2013 avait été "respecté". Et d'ajouter qu'il "y a deux types de statistiques, elles ont chacune leur valeur. Celle qui est regardée par le monde, c'est celle qui est parue ce matin". Qui de Pôle Emploi ou de l’Insee a donc raison ?
A chacun sa méthode. Fin 2013, la France comptait 3,31 millions de demandeurs d’emploi, selon Pôle Emploi. Ou 2,78 millions si on en croit l’Insee. Si les deux organismes n’arrivent pas aux mêmes conclusions, c’est tout simplement parce que chacun a sa méthode pour calculer le nombre de chômeurs.
Pôle Emploi se base sur le nombre réel d’inscriptions et de radiations pour calculer l’évolution du chômage, ce qui permet de prendre une photographie à l’instant T mais ne prend pas en compte les personnes qui ne passent pas par les agences Pôle Emploi.
L’Insee, elle, utilise une méthode qui respecte les normes du Bureau international du travail (BIT) : elle sonde chaque trimestre un échantillon représentatif de 110.000 personnes de plus de 15 ans. Sont considérés comme chômeurs ceux qui réunissent trois critères, fixés par le BIT : ne pas avoir travaillé au cours de la semaine, chercher activement un emploi et être disponible dans les deux semaines.
Les spécialistes préfèrent les chiffres de l’Insee. Résultat, alors que Pôle Emploi ne délivre que des chiffres sur les personnes qui sont passées par ses services, l’Insee s’intéresse à l’ensemble de la population. Et si les statistiques de Pôle Emploi sont plus réactives, les chercheurs préfèrent celles de l’Insee, qu’ils jugent plus fiables à moyen et long terme.
Car l’Insee, c'est "la norme", résume Eric Heyer, de l'Observatoire français des conjonctures économiques. Pour Christine Erhel, le taux de l'Insee "reste le meilleur indicateur pour évaluer la situation sur le marché de l'emploi, et les données de Pôle emploi permettent de compléter la tendance".
Deux thermomètres mais pas encore de rebond. Si on suit l’avis des chercheurs spécialisés, la courbe du chômage s’est donc bien inversée fin 2013. Cela dit, cette baisse de 0,1 point est statistiquement trop faible pour être significative.
Si le nombre de chômeurs est bien en train de se stabiliser, il est encore trop tôt pour parler d’une inversion de la courbe. "On voit bien en 2013 l'effet des politiques de l'emploi (contrats aidés, emplois d'avenir, formations...), car il n'y a pas eu assez de croissance pour faire baisser le chômage. Une baisse aussi petite n'est pas interprétable. Tout l'enjeu maintenant, c'est le rebond", résume Christine Erhel, chercheuse au Centre d'études de l'emploi (CEE).
L'ACTU - Pour l'Insee, le chômage a baissé fin 2013
TENDANCE - L’emploi en intérim a reculé de 7% en 2013
DEBAT - Comment lutter contre le chômage des seniors ?
CHRONIQUE - Le chômage des jeunes, une bombe sociale à retardement