En annonçant que l’Assemblée nationale allait supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires dès lundi prochain, les députés socialistes ont provoqué une vive polémique. L’opposition s’est rapidement emparée du sujet, tandis que des salariés concernés n’ont caché leur mécontentement. Retour en paroles et en chiffres sur une bataille fiscale.
Que va-t-il se passer concrètement ? Les députés vont débattre dès lundi de la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, un mesure-phare du quinquennat Sarkozy. En clair, l’employeur ne sera plus exonéré de charges sociales sur ces heures supplémentaires et le salarié devra les intégrer dans ses revenus imposables. La surprise concerne les délais : cette mesure devrait être rétroactive et concerner toutes les heures sup’ effectuées depuis le 1er janvier 2012.
Comment la majorité justifie cette décision ? Avant tout, par la priorité donnée à la lutte contre le chômage. "C’est une mesure qui correspond à mettre l’argent public au service de l’emploi et pas l’argent public au bénéfice des seuls personnes qui ont la chance d’avoir un travail. Encourager les heures supplémentaires avec le chômage qui explose, c’est incompréhensible. Il y a souvent parmi les foyers qui bénéficient de cette mesure un enfant, un neveu, un proche qui est au chômage. Il est anormal que l’Etat finance des gens pour travailler plus alors que d’autres n’ont pas de boulot. Et je pense que dans leur majorité les Français vont le comprendre : c’est une affaire de solidarité et de justice", rappelle sur Europe 1 le député PS Christian Eckert, rapporteur général du Budget et à l'origine de l'amendement.
Que répond l’opposition ? Pour l’UMP, la suppression de bonus fiscal va rogner le pouvoir d'achat des Français. Chef de file de l’UMP, Jean-François Copé s'est ainsi "indigné du nouveau coup porté, en catimini et dans la plus grande déloyauté, au pouvoir d'achat des classes moyennes par la majorité de gauche".
Combien de personnes sont concernées ? Environ 9,2 millions de salariés ont bénéficié de la mesure chaque année, selon un rapport parlementaire publié en juin 2011 sous la direction des députés Jean-Pierre Gorges (UMP) et Jean Mallot (PS). Si la majorité socialiste mène son projet à bien, seuls les employés des entreprises de moins de 20 salariés continueront à bénéficier de la mesure.
Que vont-elles y perdre ? Le gain moyen par salarié concerné a été de 450 euros par an, toujours selon ce rapport. Mais la perte en 2012 ne sera pas la même selon les salariés : selon Le Monde daté de samedi, elle serait d’environ 300 euros par an pour les salariés à bas revenus. Pour les autres, qui gagnent plus de 18.000 euros par an, le manque à gagner dépasserait les 500 euros. Il ne s’agit là que de moyenne et une précision s’impose, apportée par Christian Erkert : "une grosse partie des petits foyers fiscaux ne sont pas imposés. Cela ne va rien y faire puisqu’ils ne payaient pas d’impôt et n’avaient donc aucun bénéfice sur l’aspect fiscal de la chose".
A combien se chiffre l’économie pour l’Etat ? "Cette mesure a une cohérence : le dispositif de défiscalisation et d’exonération de charge des heures supplémentaires coûte 5 milliards d’argent public par an à l’Etat", souligne le député PS Christian Eckert. Autant d'argent qui peut servir à combler les déficits de l'Etat.
La fin du soupçon sur des heures sup' abusives ? C’est en tout cas ce qu’avance l’Institut des Politiques publiques, qui milite pour que l’Etat dépense moins d’argent. Dans une étude datée de mars 2012, il affirme que ce dispositif n’a pas fait travailler plus, il a juste incité les gens à déclarer plus d’heures travaillées pour payer moins d’impôts. Soulignant que le nombre d’heures effectivement travaillées a baissé depuis 2007, à ses yeux, "la défiscalisation des heures supplémentaires peut constituer un pur cadeau fiscal, qui permet d’alléger l’impôt indépendamment de la durée travaillée".