A quoi joue donc la Commission européenne ? Ses prévisions pour la France, rendues publiques vendredi, semblent tenir de la schizophrénie : pour 2014, elle annonce que le déficit français atteindra 3,9 %, mais demande dans le même temps des mesures pour le ramener à 2,7 %. Passer de 3,9 à 2,7, c'est un très, très grand écart pour les finances publiques, puisque pour atteindre cet objectif, le gouvernement devrait trouver au moins 25 milliards d'euros d'économies nouvelles. Alors comment l'expliquer ?
• Un peu de répit pour l'euro. Les experts de la Commission le savent : la faiblesse de la croissance cette année -elle ne devrait pas dépasser 0,1 %- ne permettra pas au gouvernement français de respecter ces nouvelles exigences, sous peine de plonger pour de bon dans la récession.
Alors pourquoi ces 2,7 % ? Pour Bruxelles, cette annonce, même si elle n'est pas tenue, présente l'avantage d'offrir un an de répit tout en donnant l'impression de maintenir une forme de contrôle sur les membres de l'Union. Si la France avait dû tout faire pour respecter ses engagements dès cette année, elle aurait aggravé sa santé économique déjà précaire, au risque d'entraîner dans sa chute la monnaie unique.
La Commission européenne s'est donc résignée à ne pas forcer le gouvernement Ayrault à tenir ses engagements initiaux, et ne devrait même pas imposer de sanctions financières.
• Donc la France peut faire ce qu'elle veut ? Non, car si l'Europe n'est pas en mesure de sanctionner les dérives de Paris, les agences de notation, elles, veillent. Comme le rappelait jeudi au micro d'Europe 1 Jean-Michel Six, président de Standard and Poor's en France, "ce qu'on attend de la France, c'est un engagement continu sur le maintien d'un certain nombre d'objectifs." En clair, en l'absence d'effort, le couperet tombera.
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Afin de ne pas voir sa note dégradée une nouvelle fois, la majorité devra donc donner un coup d'accélérateur à son calendrier de réformes : rapport Gallois, réforme des retraites, compétitivité, autant de gages de bonne volonté à mettre en avant pour éviter la sanction des marchés financiers.
>> Ecoutez l'interview de Jean-Michel Six sur Europe 1