Longtemps considérée comme l’usine de l’économie mondialisée, la Chine n’est plus incontournable : les entreprises européennes y réfléchissent désormais à deux fois avant d’y investir et surtout elles sont de plus en plus nombreuses à envisager de quitter le pays.
Désormais, 22% des entreprises européennes installées en Chine envisagent de transférer leurs investissements hors de l’empire du Milieu, selon la dernière étude de la Chambre de commerce européenne en Chine, publiée mardi. En cause : un environnement législatif et politique trop instable mais aussi et surtout la hausse constante des coûts de la main d’œuvre chinoise.
"D’autres économies deviennent plus attractives"
"Il est troublant de voir maintenant des entreprises ayant une longue familiarité avec la Chine s’interroger sur la place qui leur est réservée à l’avenir dans le pays et même sur l’opportunité de déplacer leurs implantations futures ailleurs dans la région", prévenait en juin 2011 le Conseil d’Analyse économique (CAE) dans son rapport consacré à la Chine.
Moins d’un an plus tard, ces rares exceptions commencent à former une minorité visible. Mattel, Home Depot ou encore Best Buy, des poids lourds américains, ont ainsi déjà franchi le pas et quitté le pays. Côté français, les vaisselles Guy Degrenne et les vélos pliants Mobiky ont aussi fait leurs cartons.
"Les inquiétudes déjà existantes sur la possibilité de commercer en Chine étaient largement compensées par l’avantage de bas coût du pays. Néanmoins, au fur et à mesure que la Chine augmente sa chaîne de valeur et que sa force de travail domestique est de plus en plus éduquée, demandant des salaires plus élevés, d’autres économies en développement, tel que l’Asie du Sud-Est et l’Amérique du Sud deviennent relativement plus attractives", précise cette étude.
Le salarié chinois coûte toujours plus cher
Première raison invoquée par les entreprises européennes pour justifier leurs envies d’ailleurs : le coût de la main d’œuvre, en hausse constante et qui tracasse 63% des sondés. Pour les entreprises implantées dans le delta de la Rivières des Perles, où sont concentrées beaucoup de firmes exportatrices, cette proportion atteint même 75% d’inquiets.
Les chiffres sont en effet sans ambiguïté. En 2011, les salaires des salariés du secteur privé ont augmenté de 12,3% une fois déduite l'inflation, a estimé mardi le Bureau national des Statistiques chinois. Début janvier, le salaire minimum a de nouveau été revu à la hausse dans les régions de Shenzhen (+14%) et du Sichuan (+23%). Dans la province de Guangdong, le salaire minimum a même été augmenté à deux reprises en moins d’un an.
Ses voisins beaucoup moins
De telles revalorisations de salaire, associées à une inflation vigoureuse, conduisent les grandes firmes en quête du plus bas coût à migrer au Cambodge, au Laos, en Thaïlande et en Indonésie.
Mais c’est le Vietnam et notamment le site de Thanh Long I, en périphérie de Hanoi, qui est devenu le pays le plus attractif de la région en proposant une main d’œuvre moins chère, de nombreuses incitations fiscales et des règles douanières bien plus simples qu’en Chine. De plus, ces pays en pleine explosion démographique représentent des marchés prometteurs.
La Chine change de modèle mais restera une usine
L’empire du Milieu attire donc moins mais "il faut être prudent", tient à nuancer pour Europe1.fr Valérie Plagnol, directeur de recherche au Crédit Suisse France. "Certes, on a assisté à des augmentations de salaire allant jusqu’à 20%. Donc, oui, le coût de la main d’œuvre augmente, mais il faut voir quel type d’entreprises partent de Chine et lesquelles y arrivent. Les dernières arrivées y recherchent une main d’œuvre plus formée", poursuit-elle.
La tentation de la délocalisation hors de Chine n’est en effet pas la même selon les secteurs. Lorsqu’on emploie une main d’œuvre très nombreuse et pas qualifiée, le Vietnam devient en effet plus compétitif que la Chine. En revanche, une usine de smartphones nécessite une main d’oeuvre qualifiée, désormais nombreuse en Chine mais encore rare chez ses voisins. L’empire du Milieu veut en effet rester l’atelier du monde, mais pas pour n’importe quel type de produit.
"Tout cela participe d’un processus de montée en gamme pour aller vers une production intégrant plus de valeur ajoutée. On passe d’emplois peu qualifiés et mal payés vers des emplois plus qualifiés et plus payés : c’est cela le défi de la Chine", confirme Valérie Plagnol, avant de conclure : "l’enjeu, c’est la montée en gamme technologique, il faudra donc tenir compte de cette concurrence."