Le contexte. "À Pôle emploi, ils sont très bons pour recenser les chômeurs, mais pas pour leur trouver du boulot." Les chiffres du chômage sont tombés et ils ne sont pas bons. La France comptait fin mars 3,224 millions de demandeurs d'emploi de catégorie A (sans aucune activité), un record. Et pour Carl des Jamonières, patron de plusieurs agences "Mondial Pare Brise" interrogé par Europe1, Pôle emploi est en partie responsable. Car de l'emploi, assure-t-il, il y en a. Mais les chômeurs n'en sont pas toujours informés.
"Il y a trois millions de chômeurs et Pôle emploi ne peut pas m'en envoyer un. Mon développement est bridé à cause d'un manque de personnel", regrette ce patron qui, du coup, va chercher sa main d'œuvre par d'autres moyens. Mais pas n'importe où.
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Quand Leboncoin.fr est plus fort que Pôle emploi ? "Alors que mon annonce sur Pôle emploi n'a attiré aucun candidat en un mois et demi, celle du Boncoin m'en a ramené 25 en une semaine", précise Carl des Jamonières. "J'ai même été obligé de supprimer l'annonce, sinon je serai débordé. J'y ai trouvé trois candidats, que j'ai embauchés. Aucun n'avait eu la proposition par Pôle emploi, alors que c'était des mécaniciens, donc des gens parfaitement adaptés à ce que je cherchais", poursuit-il.
Un succès en chiffres. Carl des Jamonières n'est pas le seul dirigeant à se tourner vers le site de petites annonces, qui a connu un essor fulgurant ces dernières années. Leboncoin.fr recense plus de 50.000 offres en ligne, et se hisse donc en tête des sites privés les plus fournis pour la recherche d'emploi (derrière Pôle emploi et ses 160.000 offres). Les employeurs auraient d'ailleurs tort de s'en priver, car les candidats potentiels affluent. Médiamétrie, qui a récemment intégré le site dans son "panel emploi", estime qu’en février dernier, il a accueilli près de 1,9 million de visiteurs uniques, derrière Pôle emploi (6,1 millions), dont les internautes se connectent aussi pour s'inscrire et mettre à jour leur statut, et Indeed (1,99 million), qui rassemble les offres d'autres sites. En un an, le Leboncoin.fr a gagné plus de 400.000 visiteurs, c'est presque autant de perdus pour Pôle emploi.
Les clés du succès. Plusieurs facteurs peuvent expliquer le succès du Boncoin. Côté entreprise, la gratuité séduit les dirigeants, alors que d'autres sites comme Cadreemploi ou Monster demandent des centaines d'euros pour diffuser une annonce. Côté internautes, outre la précision des offres, le critère proximité fait également mouche. "Avant, une personne recherchait un poste. Avec la crise, si le conjoint a un travail, la personne cherchera plutôt un lieu, proche, où gagner de l'argent", décryptait pour Le Monde Laurent Gaignard, animateur du réseau de recruteurs commerce-RH, en septembre dernier.
Ce n'est pas le même métier, répond Pôle emploi. Pour Colette Pronost, secrétaire général SNU, syndicat majoritaire, les employés de l'agence publique "font ce qu'ils peuvent". "Il y a 11% de chômage, l'offre baisse, les entreprises sont plus fragiles qu'avant", souligne-t-elle au micro d'Europe1. D'autant que, selon cette syndicaliste, leur métier n'est pas le même que celui d'un site de petites annonces. "Il faut inscrire les demandeurs, leur fournir des renseignements sur leur indemnisation et ensuite on peut les mettre en relation avec l'offre d'une entreprise. Dès que l'on voit une offre qui correspond au demandeur, elle est proposée. On reste les meilleurs dans la relation entre l'offre et la demande", insiste-t-elle.
Du côté de la direction de Pôle emploi, si l'on se satisfait que les chômeurs trouvent du travail grâce au Boncoin, on met en avant une différence de qualité des offres d'emploi. "Le vrai sujet est la qualité de l'offre. Les entreprises qui passent des annonces sont-elles réelles et sérieuses ?", s'interroge Reynald Chapuis, directeur multicanal de Pôle emploi contacté par Le Monde. Et de poursuivre : Leboncoin.fr "a un positionnement discount. C'est de la petite annonce. Le métier de l'emploi est bien plus complexe". Colette Pronost, de son côté, reconnaît qu'il y a des améliorations à faire dans "la relation entre Pôle emploi et l'entreprise." "On peut faire davantage de prospection, mais pour ça, il nous faut des moyens", conclut-elle.