TF1, 11h03, vendredi 29 août 1997. Le Club Dorothée met la clé sous la porte après dix ans d'antenne. Les raisons ? La guerre entre AB Productions, la société qui produit Dorothée, et TF1 le diffuseur : lancé deux ans plus tôt, le bouquet satellite AB Sat marche sur les plates bandes du TPS du groupe Bouygues. En cause également, des audiences qui s'érodent et une image devenue encombrante, entre mangas jugés violents et séries légères. La Une, en pleine "quête de sens", retire à Dorothée la gestion de son unité jeunesse : adieu le "Club Do", exit Dragon Ball Z, rangez vos Premiers Baisers, passez votre chemin Hélène et les garçons.
Mais dix-sept plus tard, les mots "émissions jeunesse" riment toujours avec Club Dorothée. Pourquoi ?
La place n'a pas été prise. C'est l'analyse de Rémi Prieur, blogueur télé joint par Europe 1. "Personne n'a pris la suite de Dorothée. Les chaînes de télévision sont parties sur d'autres concepts, d'autres formats, avec des personnages en 3D et une logique de dessins animés qui s'enchaînent, sans avoir de fil conducteur entre chaque programme, sans plateau, sans décor et surtout sans animateurs" À 30 ans, Rémi Prieur fait pleinement partie de la "Génération Club Do", et il se souvient du vide ressenti après la fin des émissions de Dorothée. "L’hyper-médiatisation de Dorothée fait d'elle un personnage incontournable quand on évoque les années 1980 et 1990. Dans les années 2000, les sondages des magazines télé sur ces animateurs qui nous manquent faisaient toujours apparaître Dorothée dans les premières places.."
@Angie14Thomas@ClubDorothee@TF1 c'est clair ça a marqué tte une génération. Après y'a plus eu d'émission semblable. Gd souvenir.— Maggymaga (@Maggymaga) 29 Août 2014
Le Club Dorothée, partout, tout le temps. Jamais une émission n'a autant trusté l'antenne de TF1 que le Club Dorothée. Au plus fort de sa programmation, le Club occupait jusqu'à 22 heures d'antenne d'hebdomadaire. Dorothée prenait l'antenne tôt le matin avant l'école, et revenait à 17 heures. Le programme occupait aussi l'essentiel de la journée du mercredi, toute la matinée et trois heures l'après-midi, avec un show en direct. Le week-end n'était pas en reste avec des émissions dérivées : le Club Mini, le Club Sciences, le Jacky Show... Sans oublier les sitcoms qui constituaient la case "access prime-time" de TF1 : à l'heure où sont diffusés aujourd'hui les Secret Story, N'oubliez pas les paroles et autres Grand Journal, TF1 proposait Hélène et les Garçons, Le miel et les abeilles et Les filles d'à côté. Une chaîne dans la chaîne.
Le public : la famille. Dans les années 1990, les programmes étaient moins calibrés qu'aujourd'hui. Si, en 2014, une émission est conçue pour plaire le plus possible à une tranche d'âge visée, le Club Dorothée, lui, ratissait large. Ainsi pouvaient cohabiter des dessins animés comme Les Bisounours, des mangas "soft" comme Sailor Moon et des programmes plus durs comme Ken le survivant, des séries pour adolescents comme Premiers Baisers et des feuilletons américains tels que Huit ça suffit ! ou Arnold et Willy, affectionnés par la ménagère.
Un succès inégalé. Dans ses meilleures années, le show en direct du mercredi de Dorothée attirait jusqu'à... 3 téléspectateurs sur 4 ! N'oublions pas qu'en 1993, par exemple, les téléviseurs français ne proposaient que 6 à 7 chaînes. Quant à la concurrence, elle a mis du temps à s'organiser : seuls les Minikeums et M6 Kid sont parvenus à grignoter des parts de marché au Club. Un Club dont le succès dépassait les frontières du petit écran : en 2014, Dorothée peut toujours revendiquer le record du nombre de concerts à Bercy pour une artiste féminine. Quant à AB Productions, à l'apogée du Club Dorothée en 1993, la société déclare 1 milliard de francs de chiffre d'affaires.
L'effet nostalgie. Le temps enjolive tout. Rémi Prieur, blogueur télé, explique : "Avec les années, on oublie les critiques très dures de magazines comme Télérama. VSD est allé jusqu'à titrer : Faut-il brûler Dorothée ? Vingt ans après l'ère Dorothée, on ne retient que les bons aspects : une émission conviviale, des chansons légères et des dessins animés que nous regardions tous". Le Club Dorothée, madeleine de Proust de la génération Y ? La chaîne D8 semble y croire, elle qui prépare actuellement un documentaire sur l'émission de TF1.