Que les prix alimentaires grimpent ou chutent, les distributeurs sont toujours gagnants. Tel est le principal enseignement tiré du tout premier rapport de l’Observatoire des prix et des marges alimentaires, un document de 240 pages remis lundi au ministre de l'Agriculture et de la Pêche, Bruno Le Maire.
Un travail inédit de long terme
Ce rapport, que le journal économique Les Echos avait pu se procureur en avancer, peut se résumer en ces quelques mots : "les distributeurs encaissent les sous, tandis que la filière agricole encaisse les coups". Les distributeurs, du simple supermarché à l’hypermarché, ont réussi à maintenir de confortables marges, que les prix des denrées vendues grimpent ou chutent.
Créé en 2010 et chargé d’informer et de conseiller les parlementaires sur les thèmes de la consommation, l’Observatoire des prix et des marges alimentaires avait une feuille de route simple : déterminer si, lorsque les prix des matières premières chutent, les consommateurs en profitent. Après avoir étudié les chiffres sur les dix dernières années, sa conclusion est limpide : "les marges brutes de la distribution sur dix ans sont à la fois très confortables et peu influencées par l'effondrement des prix aux producteurs".
L’exemple de la longe de porc
Fruits, légumes, viandes : la tendance semble être la même, quel que soit le secteur étudié. "Sur le lait liquide longue conservation, la marge brute des enseignes a doublé sur la période considérée, quand celle des industriels est demeurée stable et que celle des producteurs n'a cessé de diminuer", détailles ainsi Les Echos. En attendant d’avoir le rapport complet, le journal s’attarde sur un exemple "édifiant" : les marges liées à la vente du porc.
Concernant plus précisément la longe de porc, "le profit a complètement changé de mains [en l’espace de 10 ans, ndlr]. En 2000, 45 % du prix final allaient au producteur. En 2010, il n'en perçoit plus que 36 %. L'abatteur a également perdu une part de sa marge au fil des ans, en passant de 11 % il y a dix ans à 8,8 % aujourd'hui. Quant au pourcentage du distributeur dans le prix final, il a fait un bond de 39 % à 55 %".
"L'Etat n'intervient absolument pas"
"Les distributeurs jouent à un jeu gagnant-gagnant pour eux, perdant-perdant pour les agriculteurs et les consommateurs", a réagi mardi sur Europe 1 Alain Bazot, président de l'UFC-Que Choisir.
"Les grands distributeurs ne se font pas concurrence, donc ils peuvent augmenter les uns les autres leurs marges sans qu'il y ait de mécanisme de régulation, et comme l'Etat n'intervient absolument pas, c'est le laisser-faire absolu", a-t-il regretté, avant de donner l'exemple du beurre : "en dix ans, la grande surface a doublé sa marge sur le beurre". Et Alain Bazot de recommander la mise en place d'un encadrement, comme cela se pratique pour les fruits et légumes "pour, au moins, juguler cette augmentation des marges".
La distribution pointe le secteur agroalimentaire
Réponse du secteur de la distribution à ce rapport : "nos marges en France ne sont pas plus fortes qu'ailleurs en Europe. L'Etat ferait mieux de s'intéresser aux marges que réalisent les industriels de l'agroalimentaire". De son côté, l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir a demandé aux parlementaires "d'encadrer par la loi" les marges du secteur.
Ce rapport fait suite à une autre étude, réalisée par l’Observatoire de l’association des familles rurales. Publié lundi 21 juin, il montrait que les prix de produits courants ont augmenté de 2,4% les cinq premiers mois de l’année. Non seulement le consommateur ne profite jamais des baisses de prix, mais il subit une hausse bien supérieure à l’inflation.